C’est à la demande du centre RTB Charleroi - qui avait pour vocation l’éducation permanente - et de son directeur André Hagon que l’idée va Wan… germée. Le centre programmait des soirées intégrées avec des thèmes comme « partir, jouer, mourir, vivre… ».  Ce soir-là ce fut : le rire ! Après quelques réticences de la direction, Pierre Dupont arriva à imposer le sujet. Une exigence : marquer l’évolution du rire au travers de nombreux extraits de films. Pour la très réfléchie RTB, sans le cinéma le rire n’avait rien d’éducatif !

Deux « Pierre » pour un projet

La direction dira finalement « oui » à la condition ultime que l’émission fut éducatrice. On y adjoindra sociologue, psychologue et pédagogue.  Seul Bergson ne fut pas invité, faute de mort naturelle (et pas de rire) en 1941. Pour présenter cette soirée, Pierre Hagon préféra Pierre Tchernia, spécialiste du cinéma, à Stéphane Steeman l’éminente vedette du rire maison ! Il faut dire que les deux Pierre se connaissaient. Tchernia occupait un poste de direction à la télévision française et n’avait plus l’antenne. Comme cela lui manquait, il arriva en Belgique sans risque !

Au départ, ce qui n’aurait dû n’être qu’une seule soirée s’appelait : « Histoire de rire » diffusée en janvier 1977,(durée 2h30) avec un sous-titre « Zygomaticorama », ajouté malicieusement par le réalisateur Pierre Dupont car à l’époque beaucoup de programmes se terminaient par « rama… ». Tchernia et Dupont avaient engagé Pierre Péchin, Yves Robert et Les Frères ennemis sur le plateau.  Après le succès de cette « Histoire de rire », Hagon demanda d’en faire un divertissement mensuel, que l’on placerait juste avant « Au nom de la loi », histoire de dire que tout ne devait pas être trop intellectuel.  Date fut prise pour la rentrée TV de 1977.

La production, nommée inévitablement et contractuellement par le politique, restait passive. Jamais d’ailleurs les producteurs, Daniel Vos puis Maurice Chaidron, ne voyaient les émissions avant leur diffusion. Pierre Dupont de Couvin tient la promesse faite à sa femme : « Quand je serai pensionné, je ne m’occuperai que de ma famille et je rattraperai le temps que ma passion vous a volé. »

Copyright : Pierre Tchernia et Michel Serrault

De la belgitude réaliste

Tous les ingrédients étaient réunis, de la belgitude réaliste aux numéros comiques incroyables en passant par la bonhomie de Tchernia et la popularité de Steeman. Pierre Dupont, le réalisateur assisté de Claudine Rinchard, répondait à toutes les exigences des artistes dans leurs délires en raisonnant les plus insensés sans dénaturer leurs créations. 

Claudine, en découvreuse de talents écumait les cabarets parisiens pour trouver quelques perles rares et c’est ainsi qu’apparurent des Jean-Yves Bonno,  bruiteur fou ; Serge Llaado, à l’accent enchanteur du sud ; le duo Cocagne et Delaunay ; les débuts de Pierre Péchin et de Roland Magdane… Parmi les Belges, Marc Herman a fait une émission et nos compatriotes installés à Paris passaient régulièrement; notamment Michel Dejeneffe ou Pierre Henry. La présence de Tchernia favorisa le déplacement de nombreuses stars du cinéma en Belgique. Les numéros d’interviews accomplis par les Poiret, Serrault, Blier, Lanoux, Devos, Bedos et autres restent des moments d’anthologie. D’autres invités peu habitués des écrans belges firent le bonheur des téléspectateurs :Annie Fratellini, Pierre Etaix, Peyo, Pierre et Marc Jolivet, Jean Lefebvre, Rufus, Roger Pierre, Jean-Marc Thibault, Claude Pieplu,  Pierre Richard, Jean Carmet, Daniel Ceccaldi, Micheline Dax, Jacques Fabbri, Maurice Baquet, Maurice Biraud, Mac Ronay, Maria Pacôme, Paul Préboist, Jean Roucas, Alex Métayer, Dorothée, Popeck, Henri Dès, Daniel Prévost …Sans oublier, Jacques Jossart et son "JT bis" ( faux JT) puis Michel Dejeneffe et Tatayet .

Monsieur Zygo

Les caméras cachées de Bernard Faure qui deviendra rapidement « Monsieur Zygo » font partie aussi intégrante de l’immense popularité de l’émission. Il en tournera plus de 250 entre Zygo et Bon Week-End. Les grands moments de ces pièges (les fameuses glaces dégoulinantes…) ont été vus et revus par les Belges et les Français.

Copyright : Monsieur Zygo - Bernard Faure

Le talent du monteur de l’émission, qui n’était autre que Dupont lui-même, était remarquable. Il composait le programme avec justesse, délicatesse et avec un immense respect des téléspectateurs. Assez champion du rythme tranquille, il savait mélanger les numéros pour garder le public fidèle au poste. Les rires des spectateurs qui assistaient à l’émission étaient le fil conducteur du montage. 

Pierre Tchernia arrêtera la présentation après la sixième année pour se consacrer au tournage de son film « La gueule de l’autre ». Il intervenait cependant encore depuis Paris avec des interviews enregistrées de vedettes. À partir de ce moment-là, c’est l’artiste vedette de l’émission qui en sera le Monsieur Loyal. Steeman décrochera aussi. 

C’est à la demande de Pierre Dupont, après huit années sans perdre une once d’audience  (plus de 60% de parts de marché), que « Zygomaticorama » sera consommé. L’humour deviendra le privilège du centre RTBF de Charleroi mélangeant succès et déconvenue avec : « Attacher vos ceintures, Tapage nocturne, du Soleil sous la pluie » qui n’obtinrent peu de succès, en revanche le « Tatayet-show et Bon WE » furent eux des grands moments de l’humour à la RTBF.