Le jours de la mort de Thomas, le 18 novembre dernier, des témoins de la scène ont distinctement entendu les assaillants dire : « on est là pour tuer les Blancs, on est là pour planter les Blancs ». Le jour-même, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin déclarait par voie de presse : « Oui, il y a du racisme. Il y a du racisme contre les Noirs, il y a du racisme contre les Maghrébins, il y a du racisme contre les Juifs, il y a du racisme contre les Blancs, bien sûr. Il faut être aveugle pour ne pas le voir ». Une opinion partagée par la majorité des Français.

Une réalité perçue

D’après un sondage exclusif de l’institut CSA pour CNEWS, réalisé en octobre 2022, 8 Français sur 10 interrogés pensent que le racisme « anti-blanc » est une réalité dans certaines communautés. A la question « Y a-t-il en France, dans certaines communautés, du racisme anti-blanc ? », seuls 19% des interrogés répondent « non » et 1% ne se prononcent pas. Le genre des interrogés ne semble pas déterminant, puisque la proportion de réponses positives est similaire chez les hommes (82%) et les femmes (79%). Le « oui » l'emporte également dans presque toutes les classes d'âge, obtenant sa part la plus importante (90%) chez les 50-64 ans. Le seul groupe à considérer que le racisme « anti-blanc » n'existe pas en France est celui des 18-24 ans, qui répondent « non », mais seulement à 51%. Si l'on s'intéresse à la proximité politique des interrogés, on remarque que là encore le « oui » l'emporte aussi dans toutes les catégories.

Copyright : le sondage de l’institut CSA pour CNEWS publié le mercredi 5 octobre 2022

La jurisprudence reconnaît le concept

Le sentiment de racisme « anti-blanc » est très certainement favorisé par l’actualité, un peu partout en Europe, comme aux Etats-Unis d’ailleurs. Et la loi ne fait pas de différence selon la couleur de peau. En mai 2019, le tribunal correctionnel de Charleroi condamne un homme pour des insultes raciste à l’égard d’une personne blanche. Interpellé pour des faits de violences intrafamiliales, il avait alors insulté les policiers en tenant des propos comme « Vous ne comprenez jamais rien avec vos cerveaux de blancs ! », « sales blancs ! » ou « fils de pute ». La même année, le rappeur Nick Conrad est condamné à une amende de 5.000 euros avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris pour provocation au crime après la diffusion de son clip polémique : « Pendez les blancs ». A Lyon, en 2021, une nouvelle plainte est déposée par un sexagénaire pour « injure publique en raison de la race » par un homme qui l’avait agressé dans un train et insulté de « fils de pute de blanc ». Le jeune de 22 ans, Hakan O., sera condamné à 3 mois de prison ferme.

Savoir désigner une réalité

De l’agression verbale au meurtre, il existerait néanmoins un racisme qui serait bien différent des autres : le racisme « anti-blanc ». Les réseaux sociaux bruissent sur ce thème et les mouvements militants de gauche renient le concept. Le sociologue Eric Fassin est celui qui porte le plus médiatiquement l’affirmation de la non-existence de ce racisme : « Bien sûr, il peut y avoir des insultes, des agressions, mais est-ce qu’on a besoin d’appeler ça du racisme quand bien même on me dirait “sale Blanc” ? ». Et pourtant, la réalité est vécue dans certains quartiers où les familles blanches non immigrées sont désormais minoritaires, mais aussi dans la société en général.

Pour Tarik Yildiz, sociologue et essayiste, auteur de « Le Racisme anti-blanc : Ne pas en parler, un déni de réalité », il y a deux poids deux mesures dans le traitement du racisme en France. En plus de l'attribution à l'extrême droite, ce déni s'explique aussi par une vision du monde binaire, divisant les individus selon leurs origines ethniques : les Blancs constitueraient de facto les oppresseurs et les autres populations de la société formeraient nécessairement les opprimés. Or, « le ‘racisme anti-blanc’ n’est qu’une expression du racisme ordinaire - un racisme parmi les racismes - et en évitant de tomber dans une compétition victimaire, il ne faut pas laisser le thème du ‘deux poids deux mesures’ se développer. Reconnaître le racisme antiblanc ou anti-Français de souche ne revient aucunement à nier les autres formes de racisme, bien réelles, mais seulement à désigner une réalité ». 

Le racisme n’est pas une question de nombre ou une expérience de masse. Les racisés ne se définissent pas par leur couleur, mais par leur expérience du racisme. En ce sens, l’occultation du racisme ordinaire visant des victimes blanches est purement et simplement un acte militant.