Sus aux ordres légaux

L'étude s'est concentrée sur l'impact de certaines « interventions non pharmaceutiques » (INP) sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des adultes de l'UE dans les 27 États membres, entre mars 2020 et mai 2022. Elle révèle que l'association entre ces IPN et l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des adultes de l'UE s’en est trouvée impactée à des degrés divers. Par exemple, les personnes vivant avec de jeunes enfants ont davantage souffert des politiques de maintien à domicile et des fermetures d'écoles, tout en bénéficiant moins du télétravail. Ont particulièrement affecté les citoyens : « des mesures telles que les ordonnances et les recommandations de maintien au domicile, les fermetures de crèches, d'écoles primaires et secondaires et les recommandations nationales de télétravail mises en œuvre en réponse à la pandémie de COVID-19 ». Le rapport fournit des enseignements aux décideurs politiques, aux professionnels de la santé et à la communauté scientifique, qui sont particulièrement pertinents à ce stade où les plans de préparation à la pandémie sont mis à jour dans de nombreux pays pour intégrer les leçons tirées de la réponse à la pandémie de COVID-19. « Les mesures non obligatoires devraient être préférées aux ordres légaux lorsque l'efficacité et l'adhésion à ces deux approches sont similaires ». Il faut aussi « tenir compte de leur impact global sur la communauté et sur les groupes vulnérables », souligne le rapport, et ce afin « d’atténuer les effets négatifs sur le long terme ».

Une responsabilité citoyenne

Ce rapport appelle à une réflexion citoyenne plus profonde. « On est coupable aussi de ne pas avoir envie de se sentir responsable, surtout sur fond de responsabilités politiques », nous rappelle le professeur de pensée politique Frédéric Gros dans son ouvrage « Désobéir ». « Il y a certes un coût à désobéir, mais il y a peut-être aussi une récompense. La désobéissance est nécessaire à la démocratie. Désobéir, n’est pas ici synonyme de transgression. C’est le témoignage d’une capacité à évaluer les mesures à leur juste mesure et de commencer peut-être autre chose en réflexion. Une démocratie ne peut survivre sans qu’il y ait de la part du citoyen cette vigilance perpétuelle utile par rapport au pouvoir ».

Grand paradoxe contemporain, on ne nous a jamais autant demandé d’être nous-même à titre individuel, à grand coup de coaching en développement personnel et, bizarrement, on n’a jamais été aussi conformistes, à titre collectif. La gestion chaotique d’une pandémie devrait pourtant faire surgir des prises de conscience. Pourquoi avons-nous été consentants à nous suicider économiquement et socialement par crainte d’une maladie insolente qui a pris nos peurs en otage ? Il y a une dangerosité à notre docilité. Exécuter des ordres politiques sans se poser les bonnes questions nous éteint plus vite que la propagation d’une infection. La désobéissance est une stratégie d’action qui ouvre la porte à d’autres possibles. Cette ressaisie salvatrice dans la remise en route essentielle de nos vies nous invite à ne plus avoir pour seul horizon, demain, celui d’une catastrophe annoncée « sans autre issue » … 

Note de la rédaction : Ce rapport s'appuie sur les données de la base de données du CEPCM-CCR sur les mesures d'intervention et sur cinq séries de réponses à l'enquête électronique Living, working and COVID-19 d'Eurofound.