Leaked emails

L'enquête « Tracer la toile d’influence de l’Iran dans la politique européenne », réalisée par FOFI, s'est appuyée sur des milliers de courriels échangés entre des diplomates et des analystes iraniens, offrant un aperçu sans précédent du fonctionnement interne du ministère iranien des Affaires étrangères. Ces e-mails contiennent divers documents en annexes, depuis des copies de passeport et des CV jusqu'à des articles universitaires et des reçus de paiement, tous essentiels pour vérifier leur authenticité. Les communications numériques, qui s'étendent de 2003 à 2021, font partie d'un trésor de guerre appartenant à Mostafa Zahrani, ancien conseiller de l'ex-ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif. 

Une diplomatie de l’ombre

Cette fuite volontaire dévoile au grand jour comment le régime iranien a placé ses pions à travers The Iran Experts Initiative (IEI), créé en 2014, pour infiltrer stratégiquement, via des « experts de l’Iran » résidant à l’étranger, les cercles politiques et les médias occidentaux afin de promouvoir les intérêts de Téhéran, et notamment son programme nucléaire.

Tous ces experts, membres de l'IEI, auraient régulièrement communiqué avec des responsables iraniens, soumettant des projets d'articles d'opinion ou de prises de position pour examen, afin de propager, par le biais de leurs « analyses », les positions de la République islamique, auprès des institutions européennes, mais aussi à Washington. A la suite de ces révélations, le Pentagone a d’ailleurs ouvert une enquête. Apparait notamment, comme un personnage-clé dans ce dossier, Ali Avez, directeur du projet Iran de Crisis Group, censé mener les négociations qui ont conduit à l'accord de Vienne historique sur le nucléaire de 2015. Dans un courriel adressé à Mohammad Djavad ZarifJavad Zarif le 2 octobre 2014, A. Vaez s’engage à contribuer à faire avancer le discours du régime. Il écrit ceci : « En tant qu’Iranien, sur la base de mon devoir national et patriotique, je n’ai pas hésité à vous aider de quelque manière que ce soit et de proposer à Votre Excellence une campagne publique en faveur des avantages de celer un accord [nucléaire] »

Simultanément, l’IEI a étendu sa portée aux groupes de réflexion européens. Le document cite, entre autres, des analystes tels qu'Ellie Geranmayeh, chargée de mission et responsable adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord au Conseil européen des relations étrangères (ECFR), Rouzbeh Parsi, chargé de mission auprès de l'Institut suédois des affaires internationales, et Adnan Tabatabai, CEO de CARPO (Center for Applied Research in Oartnership with the Orient). L’enquête indique également que l'Iran cherche continuellement à établir des liens internationaux avec des universitaires et des chercheurs influents.

La manipulation des perceptions

Ce que ces révélations représentent n’est que la surface visible d’un réseau beaucoup plus profond et complexe. Ces experts manipulent aussi la perception des opinions publiques. « Les membres de l’IEI ont ainsi été vigoureusement engagés dans des attaques contre les groupes d’opposition iraniens, l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK) et le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), affirmant qu’ils n’avaient aucun soutien en Iran et les calomniant avec une série d’allégations provenant de Téhéran », peut-on lire dans l’enquête. La théorie qui sous-tend cette tactique d’influence de l’Iran est très simple : le régime des mollahs ne peut pas défendre son bilan, qu'il s'agisse des droits de l'homme, du terrorisme ou du programme d'armement nucléaire. La meilleure tactique consiste donc à diaboliser l'opposition démocratique et de prétendre ensuite qu'il n'y a pas d'autre alternative viable que le régime en place.

Le député européen J.Zarzalejos a conclu sa conférence de presse par ces mots : « A la veille des prochaines élections européennes, cette publication de FOFI doit être considérée comme une contribution majeure à la cause de la lutte contre la désinformation et les pratiques illégitimes dans le processus politique des États membres de l'Union européenne. L’IEI sert de parapluie pour couvrir et déguiser une stratégie ambitieuse du régime iranien visant à étendre son discours, à façonner les politiques occidentales et à influencer les décideurs et l'opinion publique, mais aussi à diaboliser l'opposition iranienne (…) Ce qui est en jeu, ce n'est pas la liberté d'expression des chercheurs ou des experts, mais la collusion, la stratégie des coups bas, les campagnes de dénigrement et les déformations grossières. La prise de conscience est urgente ».