Le parquet fédéral enquête sur des tentatives du Qatar et du Maroc d’influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen par la corruption. Des centaines de documents divulgués révèlent l’ampleur du scandale : plus de 300 tentatives présumées de manipulation de la démocratie européenne. Plusieurs personnes sont inculpées, parmi lesquelles l’ancien eurodéputé Pier Antonio Panzeri, Eva Kaili et son compagnon Francesco Giorgi, l’eurodéputé belge Marc Tarabella et l’eurodéputé italien Andrea Cozzolino. Marie Arena est l’énigme du Qatargate

Ce que l’on sait

Selon Politico.eu, son ami Pier Antonio Panzeri, lui aurait fait miroiter « un beau poste à l’ONU ou un poste de représentante spéciale de l’Union européenne pour les droits de l’homme ». Ces allégations trouveraient leurs origines dans les dépositions du couple Kaili-Giorgi, libre mais toujours inculpé à cette heure dans le Qatargate. « Il nous semble particulièrement frappant que Maria Arena soit la seule à occuper un poste-clé dans le réseau sans bénéficier d’aucune forme d’indemnisation », aurait noté la police selon un document déclassifié du service de sécurité de l’État belge. Le rapport montre des preuves de corruption publique, d’organisation criminelle et de blanchiment d’argent.

Autre affirmation : Panzeri aurait promis à Arena, la présidence de Fight Impunity, une ASBL versée dans les droits humains créée en 2019 et qui aurait servi en réalité de paravent à ses activités troubles. « Cette ASBL avait d’ailleurs ses entrées au parlement européen sans même avoir été enregistrée (alors que c’est une obligation). Panzeri aurait donc promis à Marie Arena de lui succéder à la présidence. Un peu comme elle lui avait déjà succédé à la commission Droits de l’homme du parlement européen», écrivent les journaux du groupe Sudpresse.

Crédible ? On peut se demander si l’ex-eurodéputé Panzeri avait bien le pouvoir de promettre un poste dans les hautes sphères de l’ONU à son amie Arena. Placer la Belge à la tête d’une ASBL apparaît comme davantage réaliste. Mais, jusqu’à présent, une fois encore, il ne s’agit que de conjectures

Est-ce que l’étau se resserre ?

Bien que Maria Arena nie tout acte répréhensible, le rapport la place dans une position délicate, d’autant plus que son fils a été impliqué dans l’affaire le 23 novembre dernier, lorsque les autorités ont trouvé 280.000 euros en liquide dans son appartement. A défaut de démontrer que cet argent est lié au Qatargate, les enquêteurs ont remis le dossier à la brigade des stups de la police fédérale de Bruxelles.

Le rapport cite des conversations enregistrées entre Maria Arena et Panzeri, suggérant qu’elle était une figure essentielle du réseau. Il affirme également qu’elle recevait des bijoux et des cadeaux et qu’elle manipulait d’importantes sommes d’argent. Dans cette fameuse conversation, Panzeri l’aurait remerciée pour avoir « collecté » de l’argent. Le rapport affirme également que l’implication d’Arena comprenait des contacts avec des figures clés de l’enquête sur le Qatargate, telles que l’ambassadeur du Maroc en Pologne, Abderrahim Atmoun. Atmoun a invité Arena et Panzeri à des dîners à Marrakech et en Belgique et aurait offert des avantages tels que des voyages gratuits et des billets pour des événements sportifs pour le fils d’Arena. En outre, en 2022, elle devait se rendre au Qatar du 7 au 9 mai. Elle devait y faire une déclaration officielle sur les droits de l’homme et discuter d’un « autre sujet ».

En résumé, les enquêteurs soupçonnent Maria Arena d’avoir reçu des instructions de Panzeri. Sont-ils amis ? Ont-ils été amants ? Giuseppe Meroni, ancien assistant parlementaire de Panzeri, décrit cette relation comme faisant partie d’un « quadrumvirat » avec les députés européens Andrea Cozzolino, Alessandra Moretti et le Belge Marc Tarabella. 

Un imbroglio politico-juridique

Récemment, un média italien s’interrogeait aussi sur les protections qu’aurait pu accorder le juge d’instruction Claise, aujourd’hui dessaisi du dossier, à Marie Arena. Autre rebondissement : un inspecteur principal de l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) accuse le « repenti » Panzeri de mentir, selon un enregistrement réalisé à son insu par l’Italien Francesco Giorgi, impliqué dans le dossier. 

Pas une semaine ne se passe sans que de nouvelles révélations ou prétendues telles paraissent dans les médias. L’agitation médiatique finit par énerver des acteurs proches du dossier. Quant aux avocats, ceux de l’eurodéputée grecque Eva Kaili entre autres, ils ironisent en évoquant un « Belgiumgate ». Autrement dit, la police et la justice belges ne seraient pas à la hauteur de leurs prétentions. A cela s'ajoute la particratie à gauche de l'échiquier qui agit comme un filtre à l'entrée de ce dossier et qui se cumule au gigantisme des erreurs à répétition qui ont émaillé le travail des enquêteurs jusqu'à ce jour.

Le parquet confirme qu’une procédure est pendante devant la chambre des mises en accusation de Bruxelles afin d’examiner « la légalité d’un certain nombre d’actes d’enquête posés ». Celle-ci sera chargée de vérifier dès le 24 mai si l’enquête sur le Qatargate a été menée conformément aux règles de procédure.  Quant à la date du procès, elle se fait attendre, alors que le procureur Van Leeuw disait en juin envisager une clôture de l’enquête fin 2023. Welcome in Belgium !