Le 15 août 2022, la Tunisie demandait l'extradition de Abdessalem Lassoued, déjà sous le coup d’un ordre de quitter le territoire (OQT) depuis 2021. Mais cette demande, transmise le 1er septembre 2022 par le SPF Justice au parquet de Bruxelles, n'a pas été traitée. En outre, le Tunisien en séjour illégal, abattu par la police ce mardi matin dans un café de Schaerbeek, après une nuit de cavale, était connu des services de l'ordre, qui savaient même où il résidait. Or, personne n’a pris la peine de vérifier s’il était bien parti.

Un regrettable concours de circonstance ?

Le procureur général de Bruxelles, Johan Delmulle, le patron chargé de contrôler le travail du parquet évoque un « regrettable concours de circonstances » dans l’affaire A. Laoussed. Un doux euphémisme ! Si des milliers d'ordres de quitter le territoire sont délivrés chaque mois en Belgique, seul un nombre limité de ces personnes quittent effectivement notre pays de leur plein gré ou dans le cadre d'un retour forcé, indiquent des statistiques de l'Office des étrangers. En 2022, 25.292 ordres de quitter le territoire ont été établis. « Il est impossible de suivre chaque ordre », rétorque dans les pages de L'Avenir, Dominique Ernould, le porte-parole de l'Office des étrangers. Résultat : seuls 5497 ordres sont suivi d’effet, avec seulement 760 départs sur une base volontaire (sic !).

44% d’étrangers et 69% d’illégaux en prison

Ce mercredi 18 octobre, en commission conjointe Justice/Intérieur de la Chambre, le Premier ministre Alexander De Croo, le ministre de la Justice (sortant) Vincent Van Quickenborne, la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden et la secrétaire d’État à l’Asile et à la migration Nicole De Moor ont répondu aux questions nombreuses des députés, consécutives à l’attentat terroriste. La politique migratoire en vigueur en Belgique a également été évoquée. Alexander De Croo et Nicole De Moor ont plaidé pour une politique plus « performante » de retour pour les personnes en situation illégale en Belgique. Mais pour le PS, il faut y apporter des « nuances » : « Toute personne en séjour illégal n’est pas délinquante », a notamment insisté le député PS Khalil Aouasti. Faut-il lui rappeler que près de la moitié des détenus en Belgique sont de nationalité étrangère ? 

Sur les 10.614 personnes qui étaient incarcérées en janvier 2022, 4.667 n’avaient pas la nationalité belge, ce qui porte le nombre d’étrangers dans la population carcérale totale à pas moins de 44%. Pour bien comprendre le phénomène, il faut savoir que ce chiffre n’inclut pas ceux qui ont une double nationalité. Avec ces détenteurs d’une double nationalité on arrive à une population carcérale d’origine étrangère qui dépasse les 50%. En tête des nationalités étrangères ls plus représentées (hors double nationalité) : les Marocains (861) et les Algériens (509). 

Tout aussi remarquable est qu’une proportion importante des détenus réside illégalement dans notre pays. Toujours selon les chiffres 2022, 3.204 personnes, soit 69% de tous les étrangers détenus et près d’un tiers de la population carcérale totale séjournaient illégalement dans ce pays. N’en déplaise au PS, la secrétaire d’État à l’Asile et à la migration, Nicole De Moor, n’a donc pas tort dans sa volonté émise de durcissement !

Une maladie chronique

La dernière fois qu'un ministre de la Justice a démissionné en Belgique, c'était en 1998. À la suite de l'évasion de Marc Dutroux, Stefaan De Clerck avait annoncé sa démission, tout comme le ministre de l'Intérieur de l'époque, Johan Vande Lanotte. C’est à cette époque qu’est apparue l’expression « estompement de la norme ». Elle désigne tout simplement un certain laxisme des individus dans l'exercice de leurs fonctions respectives, un relâchement généralisé de la satisfaction du travail bien fait. Et à partir du moment où tout le monde en fait de même, les exigences normatives sont moins intériorisées.

Constaté tout au long de l’enquête sur l’enquête à propos de l’affaire Dutroux, et souligné dans le second rapport de la commission Verwilghen (dite commission Dutroux), force est de constater que, deux décennies plus tard, l’ « estompement de la norme » n’a pas fini de faire carrière dans notre pays. La maladie est chronique et le fléau endémique. Il y aurait lieu de se demander si un tel état de choses est suffisamment perçu par nos responsables politiques…