L’affaire des SMS non divulgués qu’Ursula von der Leyen a échangés avec le patron de Pfizer pour négocier un méga-contrat de vaccins avait jusqu’à présent fait l’objet de plaintes administratives contre la Commission, notamment auprès du Médiateur européen et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui avait été saisie par le New York Times. C’est la première fois qu’Ursula von der Leyen est attaquée à titre personnel sur ce dossier par Frédéric Baldan, un lobbyiste belge accrédité auprès des institutions européennes. Une double plainte (en urgence et au fond) a été déposé le 5 avril 2023. F. Baldan réclame la destitution de la Présidente de la Commission européenne ainsi que 100.000 euros de dommages pour sa perte de confiance dans les institutions européennes. Ces procédures ne vont certes pas améliorée sa réputation ternie en Allemagne.

Atteintes à la confiance et la moralité

Dans sa requête au fond, F. Baldan demande au Tribunal de juger que « l’Union européenne a engagé sa responsabilité extracontractuelle » à son égard. Autrement dit, que l’UE est civilement responsable d’un dommage moral que le plaignant subit par suite des « comportements » de la Commission européenne et de sa présidente. Les « comportements » visés par le plaignant sont les refus répétés de la Commission de transmettre les SMS qu’Ursula von der Leyen a échangés avec le CEO de Pfizer, Albert Bourla, en mars et avril 2021, juste avant la signature, le 7 mai par la Commission européenne, du plus gros contrat de son histoire : un deal à 35 milliards d’euros pour la livraison de 1,8 milliard de doses de vaccin anti-Covid-19.

Un manque de transparence

« Bonjour et bienvenue à Plus Minus. C’est une politique européenne à la manière des seigneurs. Donc ça veut dire que la démocratie européenne est en danger ». C’est avec cette affirmation choc que commence l’émission Plusminus. Et de poursuivre : « Quand une administration dépense autant d’argent pour une commande, il ne s’agit pas juste de respecter des règles précises. L’autorité porte aussi une part évidente de responsabilité, surtout lorsqu’il s’agit de l’argent des contribuables. Manifestement, ce n’est pas le cas de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen ». 

Comment exactement cet accord avec Pfizer a-t-il été conclu ? La Commission européenne garde cela sous silence. Or, Il s’agit du seul contrat pour lequel l’équipe de négociation commune n’a pas été impliquée dans cette phase de négociation, contrairement à la décision de la Commission relative à l’achat de vaccins Covid-19. « Peut-être qu’elle a encore les textos, mais les garde encore sous clé et dans ce cas, c’est punissable en vertu du droit belge, car il s’agit de documents officiels qui doivent être divulgués. Ou alors, elle les a effectivement supprimés. Ce serait également un délit », affirme Frédéric Baldan.

Von der Leyen, récidiviste ?

L’enquête journalistique le rappelle. La Présidente de la Commission serait une récidiviste. Elle aurait déjà fait disparaître des messages de son téléphone portable, en 2019, lorsqu’elle était encore ministre allemande de la Défense. On lui reprochait à l’époque d’avoir attribué des contrats de plusieurs millions d’euros à des sociétés de conseil sans appel d’offres. Une commission d’enquête spécialement constituée avait réclamé son téléphone portable de service comme preuve. Or, sur ordre de son ministère, toutes les données de téléphonie mobile avaient été effacées. 

Outre-Rhin, sa cote de popularité est alors au plus bas. Elle passe sous la barre des 30 %. Selon une étude d'opinion réalisée pour le quotidien Bild, les Allemands la perçoivent alors comme la deuxième personne la moins compétente au gouvernement. Seuls 33 % des Allemands sondés par l’institut Infratest Dimap estiment qu’elle ferait une bonne Présidente de la Commission européenne. Prémonitoire ?

A la sauce seigneuriale

Pour le professeur Volker Boehme-Nessler, spécialiste du droit constitutionnel et européen, ce secret est le véritable scandale. « La Commission ne prend même pas la peine de justifier pourquoi elle ne révèle pas les contrats. C’est de la politique européenne à la sauce seigneuriale. Ce n’est pas une politique démocratiquement légitimée. Et c’est là que nous nous nous retrouvons avec un problème pour la démocratie. Nous sommes dans un État de droit qui fixe des règles de conduite ».

Si les modalités de conclusion du contrat sont sujet à critiques, le volume de la commande passée l’est aussi. Le Professeur d’immunologie Andreas Radbruch estimait déjà à l’époque que cette commande importante était de l’argent jeté par les fenêtres. « La commande de jusqu’à 10 doses de vaccin par citoyen de l’UE n’a jamais eu de sens d’un point de vue immunologique. En tant qu’association européenne des immunologues, nous n’avons pas non plus été consultés à ce sujet. Nous avions même préparé une déclaration mettant en garde contre des rappels trop fréquents. Cela n’a pas été pris en compte ».

Le prix des doses de vaccin soulève également des questions. Selon les informations fournies, l’UE a payé beaucoup plus pour les achats ultérieurs auprès de Pfizer que pour les premières livraisons de vaccins. Le prix par dose est passé de 15,50 € à 19,50 €. La raison de cette augmentation reste tout aussi secrète.

Entretemps, l'accréditation de Frédéric Baldan en tant que lobbyiste auprès de la Commission européenne a été mystérieusement supprimée et sans aucune explication. Affaire à suivre … 

L’émission Plusminus diffusée par Das Erste à revoir ici :

https://www.ardmediathek.de/video/Y3JpZDovL2Rhc2Vyc3RlLmRlL3BsdXNtaW51cy8zZjcxN2RhMi00NTQyLTQ1ZDctYTA1Zi0zYmFlYjdmYjE3YTE

Nos précédentes parutions (volet 1 à 3) sur le sujet, à lire ci-dessous :