Un renouveau du droit de pétition

Des citoyens et groupes d’intérêts lancent régulièrement des pétitions sur les plates-formes numériques dédiées à cet effet afin d’exercer une pression médiatique sur les gouvernants. Or, force est de constater qu’elles sont peu souvent suivies d’effets juridiques. Le référendum se distingue du droit de pétition classique par son caractère contraignant. Il permet à un certain nombre de citoyens de soumettre une proposition au verdict du peuple. Il aura donc par la suite une force normative si la majorité des citoyens l’acceptent. Cet effet est donc plus important que celui de la voie « pétitionnaire ».

Une menace injustifiée

Cependant, les référendums ont toujours été décriés. Il est même difficile de trouver un procédé suscitant plus de passion dans le débat constitutionnel et politique. Ce n’est pas un hasard, puisque la portée symbolique et les retombées pratiques sont de taille, s’agissant de l’intervention du peuple dans les affaires publiques. L’enjeu paraît donc maximal.

Comme sourd aux critiques, le procédé se fraye, toutefois, un chemin de plus en plus large dans le circuit représentatif des démocraties contemporaines. Quoique toujours assez discrets, les dispositifs référendaires sont en nette progression et leur pratique s’est intensifiée depuis le début des années 1990, à l’échelle nationale comme locale, sur des sujets de première importance, comme le droit à l’IVG, l’intégration européenne de la Pologne, le rejet des réformes institutionnelles en Italie, le Brexit ou les revendications d’indépendance catalane. Les référendums investissent ainsi le champ de la législation ordinaire, créant le sentiment d’une pénétration de la démocratie directe dans le mode de gouvernance. Cette réalité s’accompagne d’une « perte de contrôle » ressentie par les gouvernements, de plus en plus souvent désavoués par le vote populaire. L’incertitude quant aux implications du procédé, dans un tel contexte, leur apparaît de moins en moins tenable.

Un compromis équilibré

Et pourtant, la question de la légitimité de la vox populi est étroitement liée à l’aptitude du référendum à dénouer les crises. Il est assimilé à une capacité à produire du « bon gouvernement » chez ceux qui croient à l’intelligence collective. Il devrait donc apparaître non comme une menace, mais comme un outil utile au perfectionnement du régime politique en vigueur puisqu’il se présente comme un compromis équilibré entre représentation et expression citoyenne, donnant une véritable substance à la notion de « démocratie représentative ». 

Eviter l’insurrection

Le référendum implique également un pouvoir de limiter la domination des forces politiques majoritaires. Un tel mécanisme contribue donc à prévenir les insurrections au profit d’un outil pacifique encadré par le droit et indéniablement plus démocratique. Ainsi, si les citoyens étaient en mesure de s’opposer à des décisions gouvernementales par le mécanisme du veto populaire, ils ne seraient probablement pas obligés de recourir à d’autres alternatives de contestation plus rudes, telles que les mécanismes de grèves et de manifestations et leurs dérives, soit le saccage de l’espace public et la violence corrélative dans le pire des cas.

Contrer l’extrême droite

Dernier point d’importance. Sous la forme du populisme, l’extrême droite d’aujourd’hui diffère de celles d’hier. Elle ne se présente plus comme hostile à la démocratie. Elle se dit au contraire plus démocrate que la démocratie dont elle dénonce les dérives. En réalité, elle en fait un usage pervers. 

Dans le cadre d’un référendum, le pouvoir législatif a pour tâche de construire la synthèse d’une proposition sur une thématique particulière et de la faire valider par les électeurs. En ce sens, la démocratie directe ou participative est le processus qui peut enrichir de manière pertinente la démocratie représentative sur des dossiers spécifiques. Le populiste, lui, fait l’économie de cette réflexion. Il utilise exclusivement le référendum - ou plutôt sa non-activation dans de nombreux pays pour cause de réticences - pour alimenter les mécontentements contre le « système ». Démocratiser l’outil au cœur du mécanisme décisionnel pour certaines thématiques bien précises permettrait, à l’inverse, que son refus ne soit instrumentalisé par le populiste dans sa stratégie d’action.

Source : « Référendum et volonté populaire : la critique démocratique du référendum », Laurence Morel, dans Participations 2018/1 (N° 20), pages 53 à 84