Une prestation de serment polémique

Interrogé aussi sur le cas Saliha Raiss, désignée par Vooruit comme échevine à Molenbeek, Marc Uyttendaele ne cache pas son désaccord. « Je suis proche de certains au Parti socialiste, cela fait partie de mon histoire personnelle et je n’ai pas l’habitude de cracher dans la soupe donc je ne vais pas le faire. Mais il est clair que sur cette thématique-là [la laïcité, ndrl], je suis en rupture profonde avec ce qui se fait à Bruxelles. Et je suis attristé de voir que ce parti qui a été le ferment même d’une conception laïque et humaniste de la société est aujourd’hui très discret sur ces questions ». Malgré le refus du MR, pourtant dans la majorité aux côtés des socialistes, de la soutenir, Saliha Raiss a prêté serment d'échevine, ce mercredi 6 septembre, devant le conseil communal de Molenbeek-Saint-Jean. Une nomination qui pose question.

Du clientélisme

« Avoir un personnel communal plus à l’image de la population de la commune », c’est l’ambition de Catherine Moureaux. Le 28 août dernier, le conseil communal de Molenbeek votait une motion relative à ajouter une clause de non-discrimination dans le règlement de travail des agents communaux. Mais le Mouvement Réformateur estime qu’il faut garder le principe d’impartialité. 

Lors d’une conférence au Café Laïque de Bruxelles, le 2 mars dernier, l’avocat avait fustigé la stratégie électorale du PS bruxellois. Il accusait ouvertement les socialistes de faire le jeu des « communautaristes » dans une « logique clientéliste ». « (…) Il est absolument hallucinant de constater que dès que vous tenez un discours comme le mien, on l’associe à l’islamophobie. Ce n’est absolument pas le cas. Simplement, et c’est ce qui me rend cohérent, j’applique les mêmes règles à tous. Il y a des valeurs universelles qui ne sont pas négociables (...) C’est clair qu'il y a un islam politique. C’est clair que le PS bruxellois est, consciemment ou inconsciemment, contaminé par l’islam politique, mais dès le moment où vous tenez ce discours, vous perdez tous ceux qui dans cette religion sont finalement tout aussi démocrates que vous ou moi (…) »

Une compromission 

Six mois plus tard, il tacle un cran plus loin. Quand le présentateur lui demande s’il ne s’agit pas d’électoralisme, Marc Uyttendaele de lui répondre : « Le mot électoralisme est presque gentil. Ça va plus loin. À Bruxelles, c’est une compromission. C’est-à-dire qu’il y a des valeurs avec lesquelles on ne compromet pas. La grandeur du socialisme, c’est François Mitterand qui abolit la peine de mort en 1981. Aujourd’hui, à Bruxelles, la position du parti socialiste, c’est l’antithèse de la démarche de Mitterand à l’époque ».

Il est permis d’interdire

Dans son dernier essai « La neutralité en eaux troubles », le constitutionnaliste analyse le principe de neutralité à travers la jurisprudence des juridictions suprêmes nationales et internationales, dans l’enseignement, l’administration publique, le secteur privé et l’espace public. Sa conclusion sur le port des signes convictionnels est sans appel : « Il est permis d’interdire ». La Belgique, pays dans lequel il n’existe pas de religion d’État, place sur le même pied la liberté de culte et la liberté de manifester ses opinions en toute matière. Ce qui est autorisé ou interdit au nom de la liberté de la religion doit l’être au nom de n’importe quelle opinion philosophique, politique ou idéologique.

Et de pointer l’immobilisme du législateur sur la question : « il convient désormais de traduire dans la Constitution non seulement la primauté de la loi civile sur la loi religieuse, mais également une neutralité de l’État au contenu juridique clairement défini, à savoir la liberté de chacun de vivre, dans la sphère intime, dans le respect de ses convictions religieuses ou philosophiques et l’interdiction de toute ingérence de l’État dans les cultes. L’État est le bien de tous. Il doit être neutre et impartial dans son action comme dans son apparence, dans ses contacts avec les citoyens comme dans son fonctionnement interne ».