Une décroissance annoncée

Partie intégrante du Green Deal ou Pacte vert pour l’Europe, la stratégie Farm-to-Fork (F2F) ou « De la ferme à la table », mise en place en mai 2020 par la Commission européenne en faveur d’un « système alimentaire durable » a été remise en cause après l’invasion de l’Ukraine en février 2022 au nom du fait que la sécurité alimentaire devait primer sur les objectifs climatiques et environnementaux. Difficilement attaquable sur cet aspect précis de la sécurité alimentaire, la stratégie F2F a toutefois suscité, notamment de la part des acteurs de l’agro-industrie, de nombreuses critiques jusqu’à son adoption par le Parlement européen le 19 octobre 2021.

Il est ainsi fait référence à diverses études – menées respectivement par le Département américain pour l’agriculture (USDA), par l’université néerlandaise de Wageningue et même par le Centre commun de recherche de la Commission européenne (CCR) – avançant que, sous l’effet de la stratégie F2F, la « production agricole européenne [allait] profondément décroître, les prix et les revenus des producteurs [allaient] être affectés […] et la dépendance de l’UE aux importations alimentaires allait augmenter ». C’était donc dit et prévisible. Les consommateurs n’achètent pas plus du fait de la montée en gamme des produits. Face à la crise, ils désertent aujourd'hui les produits plus chers. Fait marquant : le secteur du bio en grande difficulté.

Quant au laissez-passer accordé aux productions agricoles ukrainiennes pour accéder aux marchés européens, cela ne passe plus non plus ! Le rétablissement de quotas sur les volailles, le sucre, les œufs sont déjà un pas dans la bonne direction, mais les céréales continuent d’entrer massivement. Les pays de l’Est sont à bout. En Roumanie et en Pologne, les agriculteurs dénoncent les importations de céréales ukrainiennes, non taxées, qui déstabilisent les marchés locaux.

Black is the Green Deal

Ensuite, il y a le sujet du Green Deal. Bruxelles veut que d’ici à 2030, 25% des terres agricoles de l’UE soient consacrées à l’agriculture biologique, ce qui implique une véritable baisse de production de 10% que l’Union européenne entend compenser par des accords de libre-échange. « Ces contraintes sont incompréhensibles », pour David Clarinval. « On importe des produits qui ne sont pas soumis aux normes européennes ». La concurrence n’est ni saine ni loyale. En outre, cela ne fait que déplacer le problème de la pollution. « Ces produits traverseront la planète en produisant du CO2 en plus ».

La Commission européenne vient de faire des concessions aux agriculteurs en maintenant les dérogations sur les jachères. L’assouplissement des règles sur les jachères n’est pas l’une des revendications principales des agriculteurs. Ils ont plus de 140 revendications au total. « En Allemagne, ils sont révoltés parce qu’on s’attaque au diesel professionnel. En France, ce sont plutôt des règles en termes d’usage des pesticides qui ont été prises. Nicolas Hulot a été plus sévère que ce que l’Europe demandait avec les pesticides. En Flandre, la question des nitrates est une question importante ». 

En tout, une quinzaine de pays membres de l'Union ont connu au cours des 18 derniers mois des manifestations de grandes ampleurs. Si l'élément déclencheur varie d'un pays à l'autre, tous demandent de meilleurs revenus et une simplification des normes. La Commission européenne devrait s’en inquiéter si elle veut éviter l’embrasement de pans entiers de la société par effet boule de neige. La présidence belge du Conseil de l'Union européenne propose de réexaminer l'actuelle Politique agricole commune, la PAC. La Commission a tort de l’ignorer.