En 2022, le scandale McKinsey a mis en lumière, en France, le recours massif de l'État aux cabinets de conseil. Pourtant le phénomène ne date pas d’hier. Depuis le début des années 2000, le recours aux cabinets conseil s’est intensifié en Europe, comme aux Etats-Unis. Mais, nos gouvernements en perçoivent-ils clairement toutes les conséquences ? 

Des managers aux commandes

Cette marchandisation de l'Etat, avec l'opacité pour doctrine, le met sous perfusion idéologique. Nos dirigeants sont alimentés à la petite cuillère en argent pour bégayer des solutions, la plupart du temps inutiles et qui ne servent pas l’intérêt général. « Portée par une idéologie qui dépossède les citoyens de leur pouvoir de décision, la gestion de l'action publique se réduit désormais à un exercice de communication, à grand renfort de nudges paternalistes fondés sur les sciences comportementales », explique les auteurs dans « Consultocratie - Les nouveaux mandarins ». Le recours systématique au consulting correspond à un véritable bouleversement démocratique qui affaiblit la vie politique. Nous sommes réduits à des « citoyens-consommateurs ».

Une politique de l’« entourage »

« L'État s'est non seulement amputé de sa capacité d'action et d'anticipation sur le monde économique, mais il s'est également délité de l'intérieur en affaiblissant toujours plus les moyens de ses administrations ». Sur le plan pratique, cela pose un gros problème. Il paie deux fois des consultants privés : pour, soi-disant lui faire faire des économies, puis pour suppléer aux carences de ces mêmes consultants. Peut-on, par exemple, légitimement accepter que les logiciels qui nous permettent d'accéder à des services publics ne soient pas développés et contrôlés tout au long de leur fonctionnement par des services de l'État ? Peut-on aussi, en dommage collatéral, accepter que lorsqu’ils s’avèrent défaillants, ces programmes informatiques doivent être audités par ces mêmes consultants ? Et ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

En termes d'architecture budgétaire, quel est le retour sur investissement ? Cette incohérence économique dénote la nature profondément idéologique des choix politiques. Nos élites administratives ont délibérément laissé de côté l'attachement à l'État qui constituait auparavant l'essence de la haute fonction publique pour le remplacer par des méthodes managériales ineptes sous prétexte d'efficacité et de rentabilité, mais avant tout à l’avantage de l’« entourage ».  Pour pallier cette inefficacité, il conviendrait que l’externalisation des fonctions essentielles normalement dévolues à l’Etat cesse d’être la réponse par défaut. 

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