La requête formulée à son endroit dans le testament du comte Aymeric d’Autremont ne préoccupait pas l’avocat. L’aristocrate ne l’avait pas choisi par hasard. Pourtant rien dans le document notarial n’évoquait ses raisons, pas la moindre allusion au passé qui les liait. Il y avait donc des mots sous les mots, un message se devinait qu’eux seuls pourraient comprendre, inaltérable et puissant.

Il y avait autre chose, Un nom lui vrillait l’âme. Le défunt avait désigné Diane Capon comme gardienne et exécutrice de ses dernières volontés. Elle avait travaillé dans le bureau bruxellois du cabinet Scarzani, avant de créer le sien. En revanche, il ne pouvait pas connaître l’essentiel…

Comme discrètement révélé en quatrième de couverture de l’ouvrage, un testament peut parfois se transformer en une vraie bombe à fragmentation. Celui du comte d'Autremont va bouleverser la vie de plusieurs personnes de par le monde. Celle d'un grand avocat new-yorkais comme celle d'une ancienne déportée ukrainienne au goulag sibérien, qui vit un exil sans fin, une ultime prison sans les barbelés, où la liberté se devine, et se paie de beaucoup de misère ; d’un artiste russe banni ou d'une brillante juriste bruxelloise... 

Dans son troisième roman, extrêmement bien abouti, l’auteur entraîne ses lecteurs dans les soubresauts d’une riche famille de la noblesse ardennaise. À la lecture du testament, les héritiers, mains crispées sur les genoux, ont la raideur inquiète. 

La crispation des héritiers, dépossédés, amusa le notaire. Il fit un effort pour n’en rien laisser paraître. Le défunt, en une plaisante leçon, déplumait des vautours et leur assénait le nom d’un inconnu, ajoutant à leur déconvenue une surprise déprimante.  

« Vous le savez, je n’ai jamais retrouvé Olena. Le silence des bolcheviques vaut l’omerta des maffieux ». Tels sont les mots lus par le notaire Lansdau.

Bernard Caprasse, en bon narrateur, sera un créateur d’ambiance. Il nous plonge dans le feu dévorant d’une écriture crépitante. Il sème de nombreuses pistes, manipulant à souhait son lecteur. S’offrant quelques retours dans le temps… pour laisser entrevoir une nouvelle lueur qui pourrait, illusoirement, guider l’imagination du lecteur impatient. Subtilement, l’odeur d’une nuit d’été nourrie des effluves d’une terre de pluie asséchée, titillera le lecteur sous le charme.

L’auteur soulève des voiles. Tabous et non-dits débouleront en une cascade de doutes. À chacun sa part d’ombre, elle peut avoir l’immensité d’un océan et sa férocité, ou n’être qu’un ruisselet au cours tranquille. 

De quoi secouer les personnages et les lecteurs.

Il faut souvent choisir son destin en quelques secondes.

Magistral !

Le testament inattendu – Bernard Caprasse – Editions Weyrich – coll. Plumes du Coq – 2024 – ISBN 9782874899294