De quoi parle-t-on ?

PFAS est l’acronyme anglophone de « Per- and PolyFluoroAlkyl Substances ». Ces substances contiennent au moins un groupement perfluoroalkyle, c’est-à-dire une liaison organique entre groupes d’atomes de carbone et de fluor. Ces liaisons sont parmi les plus fermes de la chimie organique, ce qui confère des propriétés remarquables aux molécules qui en comportent. Ainsi, les PFAS sont « une large famille de plus de quatre mille composés chimiques : avec leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, depuis les années 1950, ils sont largement utilisés dans divers domaines industriels et produits de consommation courante : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, produits phytosanitaires, etc.»(*)

Comment des traces de PFAS se retrouvent-elles dans l’eau ?

Les rejets de nos eaux usées sont collectés - APRES usage - par le réseau public d’égouttage, avant d’être dirigées vers des stations d’épuration. (Certains sites industriels disposent parfois de leur propre station d’épuration.) Si l’eau rejetée a été en contact préalable (lors de son usage) avec des substances contenant des PFAS, alors elle est susceptible d’en contenir à son tour des traces. Après traitement, les eaux usées assainies et débarrassées de leur charge polluante sont généralement redirigées vers les cours d’eau. Des PFAS non éliminés dans les stations d’épuration peuvent ainsi s’y retrouver. Quant aux captages des stations de potabilisation (traitement de l’eau du robinet AVANT usage), ils proviennent des eaux naturelles, dont celles de certains cours d’eau. (Par exemple, la station de potabilisation de Tailfer, en province de Namur, qui traite de l’eau de Meuse pour en faire de l’eau potable.)

Les stations de potabilisation existantes ne comportent pas encore nécessairement de dispositif spécifique pour l’élimination des PFAS, parce qu’au moment de leur conception (certaines ont plusieurs dizaines d’années d’existence), très peu de monde se préoccupait des PFAS.

Les principaux constituants de l’eau

Les substances présentes en plus grande quantité dans l’eau du robinet sont les ions dissous tels que sulfates, chlorures, nitrates, bicarbonates, calcium, magnésium, sodium et potassium. Ces substances ne sont absolument pas nocives (elles sont mêmes des nutriments essentiels) tant qu’elles restent dans les limites de potabilité qui sont régies par des normes. L’unité de mesure pour quantifier la présence des substances ioniques habituellement dissoutes dans l’eau de ville est le milligramme par litre (mg ; 1 mg = 1 millième de gramme = 0,001 g). C’est peu dans un litre d’eau. D’autres substances que des ions sont également présentes, en très faible quantité, dans l’eau du robinet, notamment certains métaux dissous comme du fer, du manganèse et du cuivre. Les concentrations des traces de ces métaux dans l’eau sont quant à elles mesurées en microgrammes par litre (µg ; 1 µg = 1 millionième de gramme = 0,000001 g. C’est vraiment TRES peu dans un litre d’eau : mille fois moins qu’un milligramme par litre : 1 µg/l = 0,001 mg/l.

PFAS de mieux en mieux connus

Même si les premiers questionnements au sujet des PFAS sont quasi aussi anciens que les substances incriminées elles-mêmes, ce n’est que progressivement que les connaissances toxicologiques sur les PFAS apparaissent de mieux en mieux multi-sourcées et documentées dans la littérature scientifique, parce que les connaissances progressent constamment, grâce à la recherche qui est un processus dynamique, en perpétuelle évolution. Les effets potentiellement nocifs des PFAS sur la santé sont loin d’être anodins et il convient évidemment d’y accorder la plus grande attention. Il ne saurait être question ici de les minimiser. Car, même en très faibles quantités dans l’eau du robinet, ces substances peuvent finir par s’accumuler à la longue dans l’organisme, au point d’en perturber gravement le bon fonctionnement. Il faut cependant bien rester conscient de ceci : les PFAS susceptibles de se retrouver dans l’eau du robinet n’y sont présentes que sous forme de TRACES, qui s‘expriment en nanogrammes par litre (ng ; 1 ng = 1 milliardième de gramme = 0,000000001 g). C’est vraiment TRES TRES peu dans un litre d’eau : mille fois moins qu’un microgramme par litre ; un million de fois moins qu’un milligramme par litre : 1 ng/l = 0,001 µg/l = 0,000001 mg/l. 

Les risques encourus sont liés aux quantités d’eau ingérées : boire tous les jours un litre ou deux d’eau du robinet susceptible de contenir des traces de PFAS pose évidemment question. Surtout pour les plus fragiles (femmes enceintes, jeunes enfants, personnes malades ou âgées). C’est l’accumulation à long terme dans l’organisme qui est néfaste.

La qualité de l’eau du robinet repose sur des mesures chimiques

Voici un truisme : plus une substance est présente en faible quantité dans un volume d’eau donné (disons un litre), plus il devient compliqué de la mesurer avec précision. Si les méthodes classiques apprises aux futurs chimistes (gravimétrie et titrimétrie) suffisent à quantifier assez correctement les ions dissous (mesurés en mg/l), pour les PFAS (mesurés en ng/l ; rappel : 1 ng/l = 0,000001 mg/l), il est fait appel à d’autres méthodes, comme la chromatographie couplée à la spectrométrie de masse. Les PFAS existent aussi sous de multiples formes, puisque cet acronyme regroupe une famille de composés chimiques ; en pratique, on ne peut donc en quantifier que les principaux  (une vingtaine, alors qu’il en existe potentiellement des milliers). 

L’établissement des premières méthodes normalisées pour l’analyse des PFAS date de 2009. Se posent alors les questions suivantes pour réaliser des mesures fiables : prise correcte d’échantillon, étalonnage de l’appareil de mesure, reproductibilité, sensibilité, incertitude de mesure. Le principe général qui devrait prévaloir est de rester critique par rapport à ses propres chiffres, d’autant plus lorsqu’il s’agit de détecter des substances présentes sous forme de traces. Croiser ses propres mesures avec d’autres, effectuées par un organisme tiers, est souvent nécessaire pour garantir la robustesse des chiffres publiés.

La norme sur les PFAS n’est pas encore en vigueur

Le seuil de 100 ng/l pour les PFAS dans l’eau potable provient d’une récente directive européenne. Ce texte n’entrera en vigueur qu’à partir de 2026. Il est heureux que cette future norme existe déjà. Il semble en revanche inadéquat, voire intellectuellement malhonnête, de gloser à l’envi sur le dépassement d’une norme qui n’est pas encore officiellement d’application. Juridiquement parlant, cela ne tient pas la route. Par analogie routière, justement, cela reviendrait à déjà verbaliser un automobiliste roulant à plus de 30 km/h dans une zone où il existerait un projet de « zone 30 ». Toujours par analogie, un projet de zone 30 ne dispense pourtant pas les conducteurs de déjà faire preuve de prudence, en adaptant leur vitesse aux circonstances, ce qui peut les amener bien en dessous du seuil de 30 km/h. A cet égard, il y a manifestement eu un manque de consignes claires de la part l’autorité politique (écolo) pour déterminer quelle position adopter en attendant l’entrée en vigueur officielle de la norme (PFAS < 100 ng/l) en 2026. 

Des solutions efficaces existent

Pour réduire la teneur en PFAS dans l’eau du robinet, les compagnies de distribution d’eau peuvent notamment : mélanger l’eau d’un captage présentant pas ou peu de PFAS avec celle d’un captage problématique et jouer sur la proportion du mélange pour réduire la teneur en PFAS dans le mélange final qui sera envoyé dans le réseau de distribution d’eau de ville ; ou recourir à un traitement par adsorption sur filtre(s) à charbon actif ; ou encore appliquer un traitement par nanofiltration. 

Que retenir pratiquement ?

Comme le souligne la Société Scientifique de Médecine Générale : « on ne trouve que ce que l’on cherche et l’on ne cherche que ce que l’on connaît ». Et les connaissances évoluent. Grâce aux travaux de recherche en toxicologie, une bonne approche de la problématique des PFAS est désormais possible. Il est particulièrement bienvenu qu’une exigence normative ait vu le jour ; elle entrera en vigueur à partir de 2026. Il est tout aussi réjouissant de savoir que des procédés de traitement physico-chimiques efficaces sont actuellement disponibles pour réduire drastiquement la concentration en PFAS dans l’eau potable. Oui, il y a bien eu localement des pics de dépassement de la future norme de PFAS < 100 ng/l. Non, il ne faut pas interdire de boire l’eau du robinet, même dans les communes qui étaient concernées car, aux dernières nouvelles, elles ne le sont actuellement plus, comme en atteste le site officiel http://environnement.sante.wallonie.be Il convient malgré tout de rester vigilant et attentif. Sans basculer dans la paranoïa. Quel que soit le domaine, évaluer des mesures techniques préventives ou correctives ne devrait s’effectuer qu’avec discernement et de manière proportionnée aux risques encourus. Et en dehors de tout climat passionnel. Ne pas considérer cette évidence (qui est pourtant d’une banalité absolue), peut conduire à des psychoses parfaitement infondées.

Quid de la gestion politique de cette crise ?

La posture quasi-victimaire de la ministre écolo en charge de ce dossier interroge. En développant une stratégie de défense reposant surtout sur l’historique des communications entre elle-même et ses services, ne se serait-elle pas largement fourvoyée ? Il n’y a finalement guère eu de commentaires pertinents de sa part quant au fond, mais beaucoup de verbiage sur la forme. La question n’est pas de savoir si elle était au courant ou pas. Se justifier ou trouver des coupables n’est guère constructif. Identifier des solutions l’est au contraire. Il serait donc opportun que la ministre développe de manière concrète et circonstanciée les mesures préventives et correctives à envisager à l’avenir par les services dont elle assure la tutelle. Et surtout de fixer clairement quelle position ses services devront adopter en attendant que la future norme sur les PFAS entre en vigueur en 2026. Ne porte-elle pas malgré tout une écrasante responsabilité politique dans ces cafouillages ? L’environnement semble décidément une matière bien trop cruciale pour en confier la gestion à un(e) mandataire écolo.

Ing. Michel Pollyn, M. Sc.

Addendum : les informations officielles détaillées sont accessibles ici : http://environnement.sante.wallonie.be/pfas#:~:text=Le%20m%C3%A9lange%20avec%20une%20autre,est%20de%2019%20ng%2Fl

(*) https://fr.wikipedia.org/wiki/Substances_per-_et_polyfluoroalkyl%C3%A9es