Michel Drucker s'est penché sur la table du plateau pour regarder fixement Marie Portolano dans les yeux et lui a lancé avec une grande suspicion dans le ton : « C'est l'ancien reporter sportif qui vous parle là, Marie. Vous avez vraiment souffert avec les copains des sports? Les mecs des sports ? ». Après un silence affligé, et visiblement déstabilisée, Marie Portolano, outrée, ajoute : « Je n'étais pas la seule ». Michel Drucker devenant très insistant et suspicieux de renchérir comme un procureur : « Ils ont vraiment eu des attitudes inconvenantes… vraiment ? ». Marie Portolano décide alors de s'expliquer : « Je ne suis pas la seule à le dire, puisqu'on est dix-huit à témoigner dans le documentaire, et j'aurais pu encore plus loin, aller chercher des consœurs." Le sourire ironique à l’endroit de la journaliste, Drucker jette un froid. Aucune des personnes présentes sur le plateau n’ose intervenir ; on ne contrarie pas le « Parrain ». Cependant sur X (Twitter), les internautes se sont déchainés : « / Séquence hallucinante / Il remet en doute les propos de Marie Portolano / Tu dérapes Michel, pars en retraite / À vomir Drucker, il n’a vraiment aucune gêne / Whaoou cette pression de M. Drucker sur la journaliste, quel manque de respect / … ». Il est vrai que l’intervention de Drucker ressemble à une l’agression ! Niant la parole des victimes il a créé un vrai malaise. Certes, Drucker est un homme, pas un saint.

Drucker, une machine qui ne s’arrête pas

Ardisson, homme de la formule, donnait autrefois son avis sur son confrère : « Si Drucker était si gentil, il ne pourrait plus faire de la télé ». En 2008, Michel D déclare au journal ‘Management’ : « On ne bâtit pas une carrière aussi longue que la mienne sur la méchanceté. » Précisant aussi : « Gentil ne veut pas dire naïf ». Quoiqu’il en soit, il a été l’homme des ‘prime-time’ le plus important de la télévision. Des émissions qui rapportent énormément à sa société de prod ‘DMD’ vendue depuis. Il est aussi le gérant de ‘Studio Gabriel’ qu’il loue régulièrement aux maisons de prod.

Drucker parle peu ouvertement de sa vie privée ou lorsqu’il l’aborde c’est pour parler des animaux que sa femme et lui adorent. Il parle peu de ses richesses dans les Alpilles à Eygalières ou de la récupération d’un site protégé pour faire sa troisième villa. Il préfère évoquer le Ventoux et ses exploits en vélo, de sa passion pour l’hélicoptère. Auparavant, il avait acquis une fermette normande équipée d’une piscine et d’un court de tennis. Il est excessivement prudent avec le monde politique - aimant être leur confident, mais jamais leur opposant. Il ne s’étend pas sur ses conquêtes dont il a certainement profité avec son statut de star et de gendre idéal. Je ne pense pas que l’argent soit son moteur, bien que sa fortune soit plus que confortable. Il sait bien diriger ses affaires et son patrimoine. 

Cependant, il s’étend à outrance sur son capital humain : sa santé. Malgré des précautions abusives, il semble n’être pas passé loin de la grande faucheuse. Notre star surhomme en tire encore une gloire : « Tous les médecins le disent, je suis un survivant ». Malin ou passionné, durant sa maladie, il continue à être le producteur du ‘canapé rouge’ … Il en récupère même la présentation… 

Désirant avoir son mot à dire durant les Jeux olympiques 2024 à Paris, avec un talkshow quotidien aux côtés de Léa Salamé, sa présence sur le plateau ne sera pas effective et il en donne sa raison : « Mes médecins me le déconseillent ! » Un autre son de cloche retentit différemment du côté de ‘France télévision’ : les journalistes des sports ne sont pas emballés. MD, le malin essaie encore d’imposer sa présence par un ‘face time’ depuis son domicile… Alors passionné, arriviste ou futé ? 

Même le téléviseur éteint, on a longtemps eu l’impression d’y voir Michel Drucker, mais « La seule vraie vedette de la télé, c’est la télé ! » comme il le disait volontiers avec un naturel que beaucoup croient cordial. 

Le quotidien ‘Libération’ n’hésite jamais à oser critiquer Drucker l’appelant «l’endimancheur ». Le ‘Nouvel observateur’ titra en 1985 : « C’est un homme à multiples fossettes ». Lors de son départ sur la chaine privée TF1 pour ‘Stars 90’, après avoir juré fidélité au service public, le ‘Canard enchainé’ titre : « TF1 a soulevé un mièvre » 

Il semble ami avec tout le monde, mais est-ce que ceux qui ne l’aiment pas le disent ? Il faut constater que les journalistes lui posent toujours les mêmes questions auxquelles il apporte les mêmes réponses. C’est l’homme des anecdotes agrémentées de petites histoires dont il change les chutes en fonction de ses interlocuteurs. Il ne dit rien d’essentiel et ses mots font toujours sourire en provoquant l’admiration feinte. Il a bâti sa réputation avec les articles de la presse locale… À un certain moment, il connaissait les noms des journalistes des gazettes les plus reculés de l’hexagone et des pays francophones. Les journalistes heureux sont ses faire-valoir !

Dans l’émission « Quelle époque » évoquée plus haut, à laquelle il restera jusqu’à la fin du programme, réduisant ainsi le temps de parole des autres invités, seul Dechavanne se permit des vannes limites complaisantes pour ‘celui qui aime être appelé ‘le taulier’. Il est maintenant un papy qui lutte pour exister : il est d’accord pour que les jeunes trouvent leur place, mais qu’ils ne prennent surtout pas la sienne.

Un dinosaure en voie d’extinction ?

Pour son père, la réussite passait par les études, mais enfant Michel était considéré comme un cancre. Il a été désespérément à la recherche d’un avenir avec en toile de fond un : « Mais qu’est-ce qu’on va faire de toi », le gimmick d’amour que lui martelait son Abraham de père. Médecin de campagne, cet homme rude et cinglant aura laissé à Michel un goût prononcé pour son corps à la limite de l’angoisse. Sa maman, Lola, sera toujours sa première critique sans concession, celle dont il recherchait l’approbation finale. En amour, il y en a un qui aime et l’autre qui se laisse aimer. À mon sens, tel était le couple d’Abraham et Lola Drucker, les parents de Michel. 

Jean, son frère le brillantissime énarque, créateur de M6, le compétiteur de son enfance n’est plus de ce monde. Michel a perdu son plus loyal confident. Ce frère envié durant l’enfance restera, malgré l’absence physique, son indéfectible garde du corps et de l’âme. Son autre frère, Jacques, est un grand scientifique, éloigné du star business. 

Michel s’est retrouvé avec un demi-frère caché Patrick, né de l’union de son père avec une autre femme. Il en a parlé dans sa deuxième autobiographie ‘Rappelle-moi’.

Michel Drucker, c’est la peur d’être rejeté et le besoin d’être aimé. Il gère sa vie et sa carrière comme le patron d’une officine. Ses clients : les téléspectateurs. Ses médicaments : les grands de l’éphémère qu’il veut prolonger ! Avec une certaine affection pour la pommade qui fait du bien. Il est l’arnica de la bienséance. Il est le baume qui adoucit les plaies de certains. Penser que sans lui le monde ne tournerait plus l’a sauvé, alors qu’il a récemment frôlé la mort.

Quant aux personnalités qu’il côtoie, elles sont sa performance, son couronnement, sa prouesse et une forme de bravoure de la gratitude. L’amnésie ne fait pas partie de sa vie. Michel aime autant ceux qui ont été que ceux qui sont. Il respecte l’antan avec sa conception personnelle de la fidélité. Il a le penchant de nous faire oublier que la vie est un best of. Le public est à son service comme dirait un tennisman ou un patron d’une télé publique. 

Sa pérennité lui donne-t-elle tous les droits ?

 Méfiez-vous tout de même du ‘gentil Mimi’ ! Drucker a le « merci » comme concept sympathique, cependant on ne doit jamais lui marcher sur les pieds. Je pense qu’il connaît les réponses aux questions en les posant de façon récurrente et polie depuis des décennies à ses invités. Pour moi, c'est une énigme ; ses interlocuteurs apportent les mêmes réponses invariablement pour ne pas le contrarier !

Il sait complimenter avec élégance ses conviés. Depuis un certain temps, derrière la louange, il y a souvent un trait d’humour légèrement vachard. Cependant, il laisse le soin de la raillerie caustique à des professionnels derrière lesquels il a la compétence de s’abriter. Drucker a le talent de retourner le négatif à son avantage… Il ose même monter sur scène avec un stand-up. Il raille peu et explique au travers des autres son métier. Son défi : « tu te rends compte ! À mon âge sans jamais l’avoir fait, j’ose », m’a-t-il dit avec une grande fierté lors de son premier seul en scène. Les anecdotes qu’il raconte sont amplifiées et les chutes ne sont pas toujours l’authenticité. Il aime à dire et à se faire aimer. 

Mais je sais que Michel est un homme admiratif et reconnaissant, tant à la radio qu’à la télévision que dans la vie privée. Comme son père, il passe son temps à être en consultation avec les téléspectateurs et les personnalités. Ils ont pour point commun le goût des autres et la peur de mourir. Abraham voulait guérir et Michel veut transmettre.


L’avis de Philippe Geluck en 2007, répondant à mes questions…

Drucker se sert quand même des autres pour dire du mal, c’est moyennement franc ?

« Il a construit une image. »

Construire une image cela veut dire qu’on n’est pas soi ?

« Ah ! c’est l’éternelle question. Je n’ai pas de réponse à qui est vraiment Michel Drucker. Je le connais bien, même s’il y a beaucoup de choses que j’ignore.  Je ne sais pas s’il s’intéresse à la peinture ou à la musique…  Donc, je ne sais pas si Michel Drucker existe. Mais l’homme de métier que j’ai côtoyé est un type formidable, généreux et partageur.  Tu as raison, il se sert des autres, quoiqu’il donne la parole aux autres.  Il s’impose comme un maître d’hôtel qui passe les plats et donne son âme au restaurant sans faire la cuisine ni choisir les vins. 

Drucker pense de lui  : « Je suis propre et bien coiffé, mes chaussures sont bien cirées, je leur dis que je les aime, je sais que la France entière m’aime et j’aime la France entière.  Et je fais venir autour de moi des sales gamins qui disent des horreurs. » Je ne trouve pas que c’est indigne comme métier.  Michel a construit son image, mais il a bâti son système. »