Il imposa un langage réaliste, théâtral, choisissant dans chaque sujet l'instant le plus dramatique, recrutant ses modèles dans la rue, même pour les scènes les plus sacrées comme La Mort de la Vierge, n'hésitant pas à les peindre de nuit, ce que peu d'artistes avaient osé avant lui. II proclama la primauté de la nature et de la vérité.

Sa peinture était scandaleuse, sa vie ne le fut pas moins. Michelangelo Merisi, appelé à présent le Caravage (du nom de son village natal près de Bergame), fut un scélérat, un type dangereux, un révolté permanent, un nœud de ressentiments, d’envies et de mauvaises habitudes. Mais en même temps une sorte de plume rare, de luxe, à mettre au chapeau de bien des nobles romains qui voulaient passer pour amis et défenseurs des artistes et de l’art.

D'autres artistes de génie avaient eu maille à partir avec la justice : Duccio était ivrogne et querelleur. Le Pérugin, amateur de rixes et de combats de rue, fit de la prison dans sa jeunesse. L'orfèvre Benvenuto Cellini accusé d'escroqueries, de meurtre et de sodomie fut enfermé à Rome, au château Saint-Ange. Ces braves artistes peintres maniaient aussi bien l’épée que le pinceau. Le Caravage, lui, fut arrêté et incarcéré à maintes reprises, avoua l'assassinat d'un partenaire de jeu de paume qu'il soupçonnait d'avoir triché. La rumeur lui prêta d'autres crimes. Ce peintre de génie, qui travaillait à une vitesse incroyable, directement sur la toile sans même esquisser ses personnages, vécut de cachot en cachot, d'où l'arrachaient de plus en plus difficilement de puissants protecteurs. De sa dernière prison, dans l'île de Malte, il s'évada à grand péril. Proscrit, recherché, persécuté, le Caravage disparaît sur une plage au sud de Rome, peut-être assassiné comme le cinéaste Pier Paolo Pasolini. Il n'avait pas quarante ans.

Dans son roman Le papillon noir, l’ombre du Caravage, (traduit du roumain par Florica et Jean-Louis Courriol), l’écrivain roumain Radu Paraschivescu nous décrit un Caravaggio qui n’a pas peur de choquer ni de scandaliser, en témoignent ses portraits de putains en Sainte Vierge peints sur les murs des églises. LE CARAVAGE, artiste inquiétant et incompris, est hanté par un papillon noir qui trouble ses rêves, à moins que ce soient ses cauchemars, fasciné par le noir compact et les clairs obscurs… et la voix posthume du Maître Simone : « Je ne veux pas de rayures ni de lignes, je veux du noir bien plein ! Un gouffre de poix, c'est ça, ce que tu dois me peindre ! Imagine que tu entends un bruit dehors par une nuit sans lune, tu allumes ta chandelle, tu ouvres la fenêtre et les ténèbres font irruption dans ta chambre ! Mets-toi au boulot et fait entrer les ténèbres sur cette sacrée toile ! »

« Le Caravage est le premier qui montra le meurtre en acte. Avant lui, toute la peinture était idéalisante.» (Dominique Fernandez). À lire aussi : La course à l’abîme – Dominique Fernandez – Grasset – 2002)

Le Papillon noir : l’ombre du Caravage - Radu Paraschivescu – éditions La Trace – 2023 – ISBN 9791097515829

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