Malgré le poids des sanctions internationales, l'économie russe résiste. Début avril, le Fonds monétaire international (FMI) a réévalué à la hausse les anticipations de croissance de la Russie pour 2023. Ainsi, Moscou, qui devait jusqu’alors connaître une hausse de 0,3% de son PIB cette année, verra ce dernier augmenter de 0,7% (contre 0,8% pour l'Union européenne) avant de croître de 1,3% en 2024. Moscou talonnerait alors l'Union européenne (+1,4%) et ferait même mieux que Washington (+1,1%) en 2024. « La Russie a su maintenir l'élan (de 2022, NDLR) en mettant en place des mesures fiscales très forte l'année dernière que l'on attend de voir se poursuivre cette année », a expliqué le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, lors d'une conférence de presse.

Autarcie et mesures sociales fortes

Pour Vladimir Poutine, le développement industriel et les mesures sociales doivent soutenir la demande intérieure. Dans une adresse à la nation le 21 février 2022, il déclarait : « (…) Notre tâche stratégique est d'amener notre économie vers de nouvelles frontières. (...) C'est une période de défis, mais aussi d'opportunités (…) Un développement souverain, indépendant, défiant toutes les pressions et menaces extérieures (…) ». 

Pour rassurer le peuple russe et amortir la baisse des revenus, il a stratégiquement procédé, dès l’invasion de l’Ukraine, à une hausse des prestations sociales. Il a ainsi annoncé une augmentation de 10% des pensions de retraite. Il a également réévalué les minima sociaux : le salaire minimum a été aussi augmenté de 10% et les allocations familiales, notamment pour les femmes de militaires, ont été sensiblement relevées.

Sur le plan de sa capacité autarcique, la Russie a mis en place un nouveau « logiciel économique ». Il se base sur un fort soutien au marché intérieur, sur une réindustrialisation et diversification de l’offre, sur le développement des infrastructures et sur des partenariats avec des économies tierces, comme la Chine ou l'Inde. La dédollarisation de ses échanges financiers est un point-clé pour mener cette nouvelle stratégie fragmentée.

Un coup dans l’eau qui noie l’UE

Depuis le 24 février 2022, l'Union européenne a imposé à la Russie moulte sanctions. Les mesures ont notamment touché les principales exportations de pétrole du Kremlin, coupé ses banques du système de paiement mondial Swift et ciblé personnellement le président Vladimir Poutine ainsi que de nombreux oligarques. L’UE semble avoir toutefois touché sa cible au mauvais endroit. Moscou essaie depuis longtemps de rendre son économie plus indépendante. Dès 2014, la Russie a mis en place une politique dite de « substitution aux importations ». L'idée était de favoriser le remplacement des importations par la production nationale dans de nombreux domaines.

En mai 2022, le secrétaire du puissant Conseil de sécurité de Russie, Nikolaï Patrouchev et le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou déclaraient : « Le conflit en Ukraine va durer. Nous ne courons pas après les délais, les objectifs fixés par le président seront remplis, peu importe l’énorme aide occidentale au régime de Kiev et la pression sans précédent des sanctions ».

Les chiffres de croissance de la Russie pour 2023-2024 apparaissent comme une mauvaise nouvelle pour les pays occidentaux. Défaut de prévoyance et de clairvoyance, il suffisait pourtant d’analyser l’évolution macroéconomique de la Russie de ses dernières années et ses perspectives pour comprendre que le fruit des réformes russes viendrait pourrir notre pomme pour la soif …