Bien entendu, il est illusoire d’imposer un prix de vente à la Russie. C’est donc par un autre mécanisme que ces pays espèrent limiter le prix de vente du brut russe. Les juridictions des pays du G7 et de l’Australie interdiront aux entreprises de ces pays de transporter par voie maritime du pétrole brut et des produits pétroliers d’origine russe dans le monde entier s’ils sont achetés à un prix supérieur à 60 dollars le baril. On imagine qu’il peut y avoir des changements de siège social hors pays du G7 voire des fraudes… La même règle s’applique aux compagnies d’assurance maritime, qui sont principalement britanniques. Ce mécanisme permet donc à la Russie de continuer à vendre du pétrole en dehors du G7 et de l’Australie à condition que ce ne soient pas des compagnies de ces pays qui le transportent ou qui assurent la cargaison. 

On se demande ce que la Grèce, Malte et Chypre ont obtenu en échange de leur accord, car leurs puissants armateurs seront les principales victimes de cette décision, puisqu’ils risquent de souffrir de la concurrence offerte en dehors du G7. 

En outre, l’embargo sur les ventes de pétrole russe dans l’UE est entré en vigueur le 5 décembre. Mais une phase plus douloureuse interviendra le 5 février, car alors la sanction portera sur les produits pétroliers. Ce sera un problème majeur, car l’UE importe du diesel depuis des décennies de Russie, nos raffineries ne pouvant produire suffisamment de ce carburant pour satisfaire la consommation en diesel des automobiles et des camions. Comme le diesel est aussi ce qu’on appelle le mazout de chauffage, ceux qui paient déjà trop cher le chauffage au gaz seront rejoints par ceux qui se chauffent au mazout. Cela risque de faire très mal pour ceux qui souffrent déjà de précarité énergétique.

Si Moscou veut vendre son pétrole à un prix plus élevé, elle devra faire appel à des compagnies pétrolières et à des assureurs hors G7 (l’Australie n’est pas très active dans ce domaine). L’autre possibilité est d’imiter le Venezuela et l’Iran, qui sont sous embargo de la part des États-Unis, mais parviennent tout de même à vendre leur pétrole à on ne sait qui en utilisant des transporteurs « clandestins ». Pensez-vous que la Chine et l’Inde vont danser comme siffle le G7 ?

L’OPEP et la Russie (OPEP +) n’ont pas sourcillé et ont maintenu ce dimanche la réduction de 2 millions de barils par jour qui avait été décidée en octobre au grand dam de Joe Biden. Que va-t-il se passer ? Tout est possible : le prix du pétrole peut augmenter, se stabiliser ou baisser. Mais le prix mondial dépendra avant tout de la demande chinoise, car la Chine consomme 17 % du pétrole mondial, loin devant l’UE qui n’en utilise que 11 %. De plus, pour nous, Européens, le taux de change dollar-euro pourrait avoir un impact plus important que les sanctions. 

Reste à savoir si ce mécanisme fonctionnera, car le pétrole est bel et bien de l’or noir, malgré tous ceux qui abhorrent ce symbole de la réussite de l’économie de marché. Sans pétrole, il n’y a tout simplement pas d’économie de marché ! Le monde du pétrole est si vaste (150 000 litres par seconde et 100 000 dollars par seconde) qu’il n’a jamais été possible de le dominer. Même l’OPEP, qui a tenté de le faire dans les années 1970 n’y est pas parvenue alors qu’elle détient 70 % des réserves mondiales. Je doute que ces mesures sans précédent dérangent vraiment Moscou.