Votée en 2022 la loi sur les services numériques (DSA) est entrée en vigueur. Cette loi oblige notamment les grandes plateformes en ligne à supprimer rapidement les contenus illégaux, les discours haineux et la désinformation, dans le but de « garantir que l'environnement en ligne reste un espace sûr » Les très grandes plateformes en ligne (VLOP), qui comptent plus de 45 millions d'utilisateurs actifs mensuels, doivent respecter ces règles. Il s’agit de : AliExpress, Amazon Store, AppStore, Booking.com, Facebook, Google Play, Google Maps, Google Search, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Microsoft Bing, Pinterest, Snapchat, TikTok, Wikipedia, X – anciennement Twitter –, YouTube et Zalando. Depuis 25 ans, les plateformes se sont autorégulées. Sont-elles dès à présent menacés de censure ?

Un régime UE agressif

Dès ce mois d’août, les VLOP financeront un groupe de travail permanent de la Commission européenne sur la désinformation, composé de quelque 230 personnes, qui paieront une « taxe de surveillance » annuelle pouvant atteindre 0,05 % de leur chiffre d'affaires. Cette task force veillera à ce que les VLOP respectent le code de bonne pratique de l'UE en matière de désinformation, jusqu'à présent facultatif. Les VLOP devront également publier une évaluation annuelle des risques, attendue vendredi, et « agir avec diligence » pour supprimer les contenus non approuvés. Si les VLOP ne se conforment pas à ces règles, ils sont passibles d'une amende pouvant aller jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires annuel global. Ils peuvent également faire l'objet d'une enquête de la part de la Commission, voire être empêchés d'exercer leurs activités dans l'Union européenne.

Entre-temps, les petites plateformes seront réglementées par les États membres de l'UE, qui devront mettre en place des coordinateurs nationaux des services numériques d'ici février, dans le cadre d'une « architecture de surveillance paneuropéenne ».

Le ministère du contrôle

Fait plus troublant,  l’ASD introduit un « mécanisme de gestion de crise » qui permet à la Commission d'obliger immédiatement les plateformes à supprimer du contenu « en cas de crise extraordinaire ». Une « crise » est définie comme « un risque objectif de préjudice grave pour la sécurité publique ou la santé publique dans l'Union ou dans des parties importantes de celle-ci ». Ce n'est pas un organisme indépendant, ni même le Parlement européen, mais la Commission elle-même qui détermine si cette norme a été respectée. Quel type de discours l'ASD est-elle censée contrôler ? Le code de pratique renforcé sur la désinformation, le définit comme suit :  « un contenu faux ou trompeur qui est diffusé dans l'intention de tromper ou d'obtenir un gain économique ou politique et qui peut causer un préjudice public ». Ce code a déjà été mis pour répondre à des crises, telles que le COVID et la guerre en Ukraine. Et le danger guette.

Fausses informations ou expression d’opinions ?

Pour comprendre pourquoi, prenons l'exemple de l'Observatoire européen des médias numériques (EDMO), un centre de vérification des faits financé par l'UE qui vise à « identifier la désinformation, à déraciner ses sources ou à diluer son impact ». Cette organisation, qui prétend être « indépendante et "impartiale » est essentiellement la réponse de l'UE à Big Brother. Lancée par la Commission en juin 2020 avec un budget de 13,5 millions d'euros, elle compile des rapports sur les discours Internet à travers l'UE. Et la production de l'EDMO montre sa partialité.

Prenons l'exemple de son rapport 2023 sur la désinformation en Irlande. Nous apprenons que l'EDMO surveille régulièrement 12 plateformes en ligne dans cet État membre de l'UE, qu'il s'agisse de plateformes classiques comme Twitter/X, WhatsApp et YouTube, ou de leurs alternatives moins restreintes comme Telegram et Odysee. La note d'information énumère de nombreuses « tendances en matière de désinformation » et qui sont censées « causer des préjudices ». Il s'agit notamment de l’hashtag « Ireland is full » qui s’oppose « injustement à l’immigration » selon l’EDMO ou des positions sur les questions trans qui « font partie d'un récit anti-éveillé », toujours selon l’EDMO. Enfin, les « récits environnementaux », comme la critique des politiques de changement climatique serait des « positions anti-élite ».

Modération ou censure ?

Il est clair que le point commun de ces récits n'est pas qu'ils représentent de la « désinformation », c'est-à-dire de « fausses informations destinées à induire en erreur ». Il s'agit plutôt de l'expression d'opinions politiques dissidentes par rapport à l'establishment de l'UE. Ce qui nous ramène au DSA.

Dans le cadre de ce régime orwellien, 230 bureaucrates européens non élus décideront de nos opinions et donneront l'ordre aux entreprises du secteur des grandes technologies de les censurer. Et ces entreprises confrontées à des sanctions financières, n'auront d'autre choix que de s'y conformer. Or, à partir du moment où la peur de la répression s'installe, il n'y a plus de démocratie. La liberté d’expression et d’information (Article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme) ont matière à s’en inquiéter. Elles sont clairement menacées. Ces enjeux appellent à une prise de conscience éclairée…