Voici tout juste vingt ans, en 2004, Patrick Le Lay, alors CEO de TF1, déclarait dans une interview : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible ». On avait crié au scandale. Aujourd’hui, on ne bronche pas à l’idée de voir TikTok rémunérer ceux qui scrollent. 

Incrémenter des utilisateurs

Sur l’interface de TikTok Lite, l’application est presque en tout point identique à TikTok, avec notamment le même flux ininterrompu de vidéos à scroller. Mais très vite, TikTok Lite, notamment présenté comme une version moins gourmande en données et en espace de stockage, dévoile son vrai objectif. 

On découvre rapidement l’onglet « récompenses », avec un système de pièces virtuelles à accumuler, similaire à ceux de certains jeux vidéo mobile, que l’on peut gagner de différentes façons : 300 jetons pour l’inscription, 4 500 supplémentaires si l’on se connecte quotidiennement pendant dix jours, 4 200 pièces lorsqu’on regarde 25 minutes de vidéos, ou encore 150 jetons si l’on suit trois créateurs ou que l’on like trois vidéos. Au bout d'un mois, on peut donc facilement se retrouver avec 15, 20, 25 euros en poche, selon sa consommation.

L’addiction : un pacte diabolique

C'est évidemment diabolique. Très prisé des jeunes et des influenceurs avec ses clips vidéo souvent dansants ou musicaux, TikTok, controversé, a séduit plus d'1,5 milliard d'utilisateurs dans le monde. Il est régulièrement accusé d'héberger de nombreuses vidéos de désinformation, des défis dangereux et des images pornographiques, voire d'être un outil d'espionnage et de propagande au service de Pékin, ce que l'entreprise dément.

Qui plus est, ce lancement intervient alors que la question de la régulation du temps d'écran chez les jeunes est particulièrement discutée. Des enquêtes séparées sur Meta, Snapchat, YouTube et, bien sûr, sur TikTok, sont actuellement menées par la Commission européenne. Question : comment protéger la « santé physique et mentale » des mineurs.

Et là, un géant du numérique renvoie à notre relation à l’argent, et donc à nos valeurs et à nos croyances surtout.

Et si, plus simplement, TikTok Lite sifflait la fin de l’hypocrisie ? Hier, on nous disait que si c’est gratuit c’est que nous sommes, nous, le produit. Aujourd’hui, en rénumérant ses fans, la filiale de ByteDance transforme une dépendance en une activité. Le « tiktoker » devient un travailleur du clic ! Scroller devient un métier…

Alain de Fooz
Editeur responsable Solutions Magazine
www.soluxions-magazine.com