Scientifiquement, l'origine du virus est toujours inconnue. Une origine naturelle reste possible. Même sur les animaux du marché, aucune recherche exhaustive et solide n'a été menée, tant les travaux de l'OMS et des chercheurs ont été entravés et leurs résultats brouillés dans un nuage de désinformation. Cependant, tout porte à croire aujourd'hui qu'il s'agit d'un accident de laboratoire. La coïncidence initiale s'est considérablement renforcée. On ne parle plus juste d'un coronavirus apparu à la porte d'un laboratoire étudiant les coronavirus. On parle du coronavirus précis que ces scientifiques cherchaient.

Établi en 2018, le projet Defuse était la feuille de route exacte pour trouver ou fabriquer un virus comme le SARS-CoV-2. Ce n'est pas pour autant la preuve scientifique de son origine. Il reste à mener l'enquête jusqu'au bout pour aboutir à une démonstration probante. Mais quelles sont les chances que l'évolution produise par pur hasard aux portes d'un laboratoire la créature exacte recherchée par ses scientifiques? Pourquoi le doute subsiste-t-il ? Faute de données, certes. Mais aussi parce que la communauté scientifique est profondément divisée. Or, l'origine de ce schisme est bien à trouver dans les anathèmes prononcés début 2020, traitant de « complotistes » tous ceux qui s'interrogeaient, même légitimement.

L'histoire longtemps secrète de la téléconférence du 1er février et de l'article « Proximal origin » constitue à l'évidence le plus grand scandale scientifique de notre époque. Des chercheurs ont dès les tout premiers moments de la catastrophe soupçonné fortement une origine humaine. Dans les jours qui ont suivi, ils ont affirmé être catégoriquement certains du contraire, alors qu'ils n'en savaient rien. Plus que Donald Trump ou les conspirationnistes, ils ont la responsabilité de la crise profonde que traverse la science, au nom de laquelle ils ont eu la prétention de parler.

L'implication dans ces discussions des dirigeants des plus grandes institutions scientifiques du monde, comme le docteur Anthony Fauci, conduit aujourd'hui aussi à un scandale politique aux conséquences potentiellement dévastatrices. Le directeur du NIAID finançait les laboratoires de Wuhan pour certaines expériences à risque. Peut-être pas celles qui ont provoqué la catastrophe. Mais quoi qu'il en soit, il aurait dû immédiatement se récuser de ces débats. Pourquoi n'avoir pas juste dit la vérité au public ? « Il est possible que ce virus soit sorti d'un laboratoire, la Chine doit enquêter. »

Faut-il pour autant s'en remettre aux procureurs qui lui donnent aujourd'hui la chasse? Ceux-ci n'ont pas pour but de faire émerger la vérité, mais de se servir de l'origine du virus pour reconquérir le pouvoir. En désertant la question, les progressistes ont offert un boulevard à la droite la plus dure, anti-masques, anti-vaccins, anti-science, anti-Chine, qui va pouvoir moissonner des soutiens dans une opinion très largement acquise à l'hypothèse d'une fuite de laboratoire.

La France elle-même a ses secrets. Elle craignait depuis des années un accident de laboratoire à Wuhan. Elle s'est abritée quand la pandémie a éclaté derrière des éléments de langage : le P4 ne travaillerait pas sur les coronavirus; il n'y avait plus de coopération; c'était une affaire chinoise. Mais faute d'enquête ouverte, rien n'exclut en réalité que le P4 ou la France aient été impliqués dans des recherches qui auraient provoqué un accident. Des coopérations existaient bien entre l'Institut Pasteur de Shanghai et l'Institut de virologie de Wuhan. Et si jamais le moindre lien venait à émerger avec l'origine de la pandémie, la responsabilité de la France serait engagée par l'accord de 2004.

Si la tournure politique désastreuse du débat sur l'origine du Covid-19 aux États-Unis nous apprend quelque chose, c'est que la vérité finit toujours par éclater, et que les saints mensonges se paient chèrement. Il faut aujourd'hui soutenir avec plus de force que jamais les scientifiques qui veulent faire émerger la vérité.

Révélées pour la première fois dans ce livre, des notes confidentielles, émises à la veille de la pandémie par la diplomatie et certains services français, trahissent la crainte prémonitoire d'un accident à Wuhan... Polémiques et règlements de comptes côté français aggravent encore une situation déjà tendue. S'appuyant sur des témoignages et des documents exclusifs, Jérémy André, journaliste au Point, mène son récit comme un thriller haletant pour retracer la plus grande controverse scientifique de notre temps.

Au nom de la science - Jérémy André - Éditions Albin Michel - 2023 - ISBN 9782226478894