Mi-mai, les soignants suspendus faute de schéma vaccinal complet contre le Covid-19 ont été réintégrés et ont repris leur travail. Une décision qui fait suite à l’avis favorable de la Haute Autorité de santé (HAS), donné fin mars, quant à la levée de l’obligation vaccinale pour les soignants et les autres professionnels concernés. Fin 2021, elle avait été imposée à 2,7 millions de personnes au total et ils avaient été plusieurs milliers avoir été suspendues après l’avoir refusée.

Atteinte au secret médical

Deux ans plus tard, c’est le média français Info du Jour qui l’annonce.  À Nancy, le 3 mai 2023, le Conseil de Prud’hommes a ordonné la réintégration d’une lingère d’un EHPAD de Meurthe-et-Moselle, Christiane Gérard, avec rappel intégral de ses salaires depuis le 27 septembre 2021, soit 30.000 euros. Son employeur devra aussi lui rembourser les honoraires de son avocate, soit 2000,00 euros. Les conseillers prud’homaux ont estimé que le fait de demander à un agent s’il était vacciné portait atteinte au secret médical.

Le juge a considéré que la loi du 5 août 2021 ne relevait pas de l’état d’urgence et donc devait respecter à la fois le droit positif existant qui n’avait pas disparu et les normes supérieures, à savoir les traités internationaux et les dispositions européennes. « En France, il existe un principe de hiérarchie des normes qui veut que chaque norme respecte la norme qui lui est supérieure. Toute loi nouvelle doit donc respecter la constitution, mais également le droit européen et international ».

Le vaccin n’empêche pas la transmission

Le juge a aussi rappelé que le principe d’une vaccination obligatoire a été considéré par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) à plusieurs reprises comme étant une ingérence dans le droit à une vie privée et une vie familiale normale (art.8 de la Convention). Pour que cette ingérence soit tolérée, le Juge doit vérifier si elle est proportionnée.

En l’espèce, il a rappelé qu’il est acquis que le vaccin n’empêche pas la transmission, qu’il y a une discrimination entre les soignants vaccinés et les soignants non vaccinés, et ce, d’autant plus que des soignants vaccinés testés positifs pouvaient travailler, tandis qu’on interdisait à des soignants non vaccinés testés négatifs d’exercer.

Il a considéré que l’obligation vaccinale était une mesure disproportionnée et inadaptée et qui privait les soignants d’un consentement éclairé. Il a donc écarté l’application de la loi du 5 août 2021 pour les trois soignants, a annulé la décision de suspension, ordonné la réintégration des soignantes et condamné l’employeur à verser les salaires rétroactivement au jour de la suspension.

Cette décision fait déjà jurisprudence. À Marmande, dans le Lot-et-Garonne, c’est le juge départiteur(*) magistrat professionnel du Conseil de Prud’hommes, qui a rendu trois décisions identiques, le 19 mai 2023. Il a accordé des arriérés de salaire à trois soignant(e)s suspendus. 

 

(*) En France, le juge départiteur est un magistrat professionnel qui intervient uniquement lorsque les conseillers prud’hommes (salariés ou employeur élus au sein de leur entreprise) n’ont pu se départager.