Les grévistes français sont motivés par les souvenirs des mobilisations historiques ayant conduit à des acquis sociaux. On pense en particulier à 1936, qui apportera les congés payés et la semaine de 40 heures. Ou à 1968, qui a vu naître la quatrième semaine de congés payés et le Smic. Mais depuis une vingtaine d'années, en France, la grève, même massive, ne mène plus aussi souvent aux résultats escomptés. Loi El Khomri en 2016, loi pour un nouveau pacte ferroviaire en 2018, premier projet de réforme des retraites d'Emmanuel Macron en 2019 et désormais une deuxième mouture en 2023... Les derniers projets de réforme se sont tous heurtés à une vague nationale de grèves à l'appel des syndicats. Toutefois, leur ambition de faire fléchir le gouvernement n'a pas vraiment été couronnée de succès. 

Un bras de fer

Ce déclin des mouvements populaires massif trouve sa source dans le fait que « les grèves sont plutôt défensives dans la mesure où les grévistes défendent quelque chose et ne partent pas à la demande d’autre chose », explique au micro de Radio France Sylvain Boulouque, historien spécialiste des conflits sociaux et auteur de Mensonges en gilet jaune. Par ailleurs, « le modèle Thatchérien plane aussi sur les contestations et revendications ».

Un projet de restructuration des mines met le feu aux poudres. Nous sommes début mars 1984. Commence alors la grève la plus longue - une année entière -, la plus dure et la plus spectaculaire que le Royaume-Uni ait connue depuis 1926. Au total, 32.500 piquets de grève et des centaines de milliers de manifestants furent comptabilisés pendant cette période. En face d'eux, des milliers de policiers antiémeute, assistés de brigades à cheval, pour que force reste à la loi. Et force restera à la loi !

La résistance des mineurs ne suffit pas à les rendre sympathiques. Ils ont commis trop d'excès, trop de vandalismes et de délits en tous genres. Margaret Thatcher réussit à faire plier la corporation qui avait le plus de syndiqués à l’époque. Tout le monde reprend le travail. Les mineurs n'ont rien obtenu, sauf des broutilles, et on n'entendra pratiquement plus jamais parler d'eux. Au Royaume-Uni, la culture de la grève est définitivement morte et enterrée. L’intransigeance « Thatchérienne » à ne pas vouloir céder demeure aujourd’hui encore un modèle de victoire pour les gouvernements qui estiment que l'on peut arriver à faire plier des grévistes même quand ils sont en nombre et organisés. 

Quelle autre méthode ? 

« L’opinion est un facteur central » estime Sylvain Boulouque, « pas tant pour les grévistes que pour les gouvernements. Les gouvernements savent que tant que l’opinion ne leur est pas complètement hostile, ils peuvent faire passer leurs mesures. Si jamais une grève obtenait l’empathie complète de l’opinion, le gouvernement se retrouverait dans une situation très, très négative. On peut penser qu'il serait obligé de reculer ». Soulignons aussi que la cote de popularité d'Emmanuel Macron passe ce mois de mars sous la barre des 30%, selon un sondage Ifop publié dans le JDD. Elle est au plus bas depuis la fin de la crise des gilets jaunes en 2019. Cette cote d’alerte fera-t-elle plier le Président de la République ?