En 1968, les jeunes se sont révoltés pour expliquer à leurs parents éberlués qu’il était interdit d’interdire, que le Général devait se retraiter d’urgence à Colombey-les-Deux-Eglises... Personne n’y comprenait grand-chose, mais ils eurent finalement gain de cause, forçant un curieux référendum qui signait le départ de ce grand Monsieur vers son funeste destin de novembre 1970. 

Ensuite, les guerres se succèdent aux guerres, les crises annoncent d’autres crises, les rotatives deviennent folles, les dettes souveraines explosent, le chômage devient structurel, l’inflation ronge les épargnes, les bulles éclatent périodiquement, le prolétariat s’appauvrit si c’était encore possible, les derniers riches ciblent la classe moyenne trop prospère à leurs yeux... Inquiète, la bourgeoisie vacille sous leurs coups de boutoir mais elle s’accroche... Elle tient toujours, bon mais jusqu’à quand ? 

C’est l’énigme de cette fin d’année 2023, alors que la boule de cristal a perdu sa transparence, obscurcie par une série d’indicateurs fort peu réjouissants. La guerre ou les menaces de guerres partout dans le monde, des avions pilotés par des autocrates dont on ignore les agendas cachés, des hordes de fonctionnaires surpayés qui prétendent pouvoir résoudre des problèmes insolubles.

Alain Minc, visionnaire…

Nous avons ouvert la boîte de Pandore pour n’y trouver que tous les maux de la Création. Nous l’avons rapidement refermée mais il est trop tard car notre curiosité doit être punie. Quelle forme prendra cette punition ? C’est ce que nous ignorons encore et c’est pourquoi il y lieu de s’inquiéter car ce pourrait être le fameux coup de sifflet d’Alain Minc pour annoncer la fin de la récréation. 

Nous voudrions partager l’optimisme atavique d’Alain Minc, cet homme de l’ombre consulté par la plupart des présidents de la cinquième République. Mais il se fait que ce grand visionnaire du soir s’est tout de même vachement pris les pieds dans le tapis dans l’affaire Générale de Belgique lancée en janvier 1988 par Carlo de Benedetti avec son ballotin de pralines offert à René Lamy. 

Le 27 octobre 2023, tout récemment donc, ce même Alain Minc donnait une interview prémonitoire à l’hebdomadaire Trends Tendances durant laquelle il prévenait formellement les naïfs :  « La fiscalité sur les riches me fait sourire, c’est clair que la seule fiscalité efficace, c’est la fiscalité sur les classes moyennes. »

Voilà au moins un économiste qui ne parle pas la langue de bois... Tondre la classe moyenne est un conseil parfaitement assimilé par notre ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, l’homme qui tire plus vite que son ombre sur une Classe Moyenne en passe de rejoindre ce prolétariat pouilleux dont elle craint jusqu’à l’odeur prégnante de sa proximité. 

Bref, les Baby-Boomers se demandent toujours aujourd’hui ce qu’ils ont bien pu faire, ou ne pas faire, pour obtenir des résultats aussi déplorables, pour hypothéquer lourdement l’avenir de leurs propres descendances, pour être obligés de supporter l’arrogance de jeunes ayatollahs verdâtres, pour craindre la renaissance de fascismes protéiformes que nos pères avaient héroïquement combattus.

Il nous faut maintenant terminer une vie devenue inutile dans cet enfer carcéral dont nous avons été les bâtisseurs inconscients. Chaque enterrement, chaque décès, de l’un des nôtres n’est plus que le reflet de notre départ peu souhaité, probablement souhaitable pour d’autres, un repos mérité qui, par chance, tarde à venir, le miroir d’une flânerie solitaire dans nos cimetières personnels, un exercice mémoriel de plus en plus pénible pour les survivants de ces lointaines années heureuses. 

D’autres que nous verrons dans quelques décennies ce que les crétins « Milléniaux » auront fait des commandes d’un pouvoir qu’ils ont soigneusement confisqué avant de devoir le transmettre, avec toutes leurs certitudes imbéciles, aux analphabètes « Alpha » et « Beta » qui leur succéderont normalement.

Le pire n’est pas toujours sûr, mais pire que le pire pourrait bien être l’année 2024. Ma boule de cristal vient de se casser en mille morceaux... Certainement un geste maladroit, mais un fort mauvais présage pour un baby-boomer complètement exténué par la bêtise ambiante omniprésente. Allons dormir, demain est un autre jour. 

Grincheux