« Bouchon ». Personne ne sait vraiment d’où vient le mot. Pour certains, il dérive de « bousche », ce faisceau de branchage jadis suspendu à la porte de ces établissements en guise d’enseigne. Pour d’autres, le terme renvoie au fait que l’on « bouchonnait » les chevaux des clients -en clair on les frottait pour lustrer le poil- tandis que ces derniers déjeunaient.

Ce midi, pas de chevaux, hormis ceux de la Fiat 500 de mon ami Pierre qui nous ont conduit au Cigalon. La salle à l’avant, ramassée mais tellement sympathique, est occupée pour moitié par la micro-cuisine ouverte. Il y a une seconde salle, un poil plus grande, à l’arrière. Et, surtout, pour célébrer l’été, un jardin-terrasse à l’arrière, totalement à l’abri du passage. Au piano, comme à l’accueil, Jean Dubois : un solide gaillard né un 6/6/66 pour effrayer les satanistes, alors que la police du royaume l’a signé comme adepte de gourmandise en bande organisée. 

Passionné comme seul un autodidacte peut l'être, Jean tient la boutique et s’applique aux fourneaux depuis trente ans, midi et soir. Pas de salamalecs inutiles ; c'est du direct, du sans chichis. On se sent vite à l’aise. Jean est un de ces infatigables francs de collier, qui vous accueille avec l'œil qui plisse, le bon mot facile.

Les vrais faiseurs, les purs

Car le Cigalon, quelque part, c'est un piège. A peine assis, vous voilà en train de faire un sort à la tapenade maison, quand ce n'est pas au pot de rillettes, tellement bonnes qu'on le finit sans s’en rendre compte. C'est aussi le moment où votre verre de beaujo blanc commence à se remplir comme par enchantement. Le moment, encore, de saliver en découvrant la carte. Et c'est là, à cet instant précis, qu'on se rend compte, non sans une certaine émotion, qu'on est à la bonne adresse. J’entends : authentique.

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Ce métier compte trop d’usurpateurs, trop d’affairistes qu’il est devenu urgent de signaler les vrais faiseurs, les purs. Jean en est. Sous ses airs bon enfant, l’homme est intraitable. Pour lui, ce serait parjure de refiler du foie gras de canard polonais, par exemple. Ici, l’origine du produit est connue. Et c’est Aurélie Maira, en salle à l’heure du service, qui le prépare avec passion. Dans le métier, il y a des règles ; la bonne provenance des produits est la première, leur mise en valeur à travers des recettes traditionnelles est la seconde.

A qui sait lire, une carte dit beaucoup. Sur celle du Cigalon, pas d’envolée lyrique pour nommer un œuf meurette, non. Jean va tout de suite à l’essentiel : le produit, la recette. Avec, parmi les incontournables, la salade de harengs fumés doux à la lyonnaise, la cervelle de veau sauce tartare, les escargots à la Bourguignonne, le saucisson de Lyon aux pistaches cuit minute, la saucisse de Morteau aux lentilles avec son aligot de l'Aubrac, le pied de porc désossé et farci Mère Brazier, l'andouillette AAAAA à la dijonnaise, le cassoulet avec ses vrais haricots tarbais, sans oublier les non moins véritables quenelles de brochet et écrevisses sauce Nantua…

Bon, c’est sûr, ce n’est pas l’adresse pour draguer une végétarienne allergique. On se voit mal lui proposer un tablier de sapeur ou une tête de veau ravigote. Et pas de komboucha à l’apéro, non, désolé ! Le Cigalon est un îlot de province hors du temps, une invitation à prendre la route un jour d’été, filer en douce sur la Nationale 7. « Cigalon » c’est aussi le titre d’un livre de Marcel Pagnol, l’histoire d’un cuisinier qui mange, ose manger, qui ne se contente pas de goûter la mangeaille des autres… Jean ! 

Cigalon
32 Rue de Bruxelles, 1400 Nivelles
0475 53 17 37
www.restaurantlecigalon.be