Le technoféminisme menace. A l’échelle de la planète, rappelle, l’autrice, les femmes ont moins accès au numérique que les hommes. En 2023, elles sont aussi moins nombreuses à savoir coder et ne sont à l’origine que d’une part infime des contenus présents en ligne. Ainsi, à propos de Wikipédia : l’écrasante majorité des biographies présentées sont celles d’hommes. L’explication ? Moins de femmes continuent à enrichir cette encyclopédie. Mais la fracture n’est pas uniquement fondée sur le genre, on trouve également des disparités économiques, politiques, sociales et ethniques.

Et pourtant, rien de nouveau. Le phénomène d’invisibilisation des femmes dans le numérique a toujours existé. A l’heure des algorithmes, il s’amplifie. En 2018, l’informaticienne Joy Buolamwini a publié, en collaboration avec la chercheuse Timmit Gebru, un article de recherche intitulé « Gender Shades ». Elles y expliquent que des biais raciaux et de genre imprègnent également les intelligences artificielles. La problématique ainsi étayée est intersectionnelle. Selon l’étude, les machines fonctionnent mieux pour reconnaître les hommes que les femmes, et les blancs que toutes les personnes avec une peau plus foncée…

Les administratrices sous-représentées

Le technoféminisme est parfois plus insidieux. Deux études viennent de le montrer. La première, en Belgique, signée Agoria et openthebox, montre que la représentation des femmes au sein des startups et scale-ups belges continue de stagner. Le pourcentage d’administratrices, en particulier, régresse, ne dépassant plus 13 %. Parmi les 3000 entreprises analysées, 79 % comptent des membres fondateurs exclusivement masculins contre seulement 3 % de membres fondatrices. Le numérique ne serait donc pas une affaire de femmes. Passez votre chemin, mesdames !

Travail hybride et mise en retrait

Une autre étude, portant sur le travail hybride, montre la position plus que délicate de la gent féminine depuis la pandémie. En préférant travailler à la maison - notamment pour s’occuper des enfants - les femmes se mettent en retrait. C’est à nouveau au bureau que tout se passe. Les hommes l’ont bien compris, démontre la société Ivanti : plus grande proximité avec la direction, projets plus intéressants à lancer ou piloter, meilleures opportunités de réseautage informelles, sans oublier un accès plus rapide à la technologie. Bref, les femmes risquent de perdre beaucoup plus que les hommes en continuant à travailler à domicile.

Perdre…

Dans son livre, Mathilde Saliou ne dit rien d’autre. Le numérique est un monde fait par et pour des hommes : les effets discriminants de nombre d’algorithmes sur la société, le financement biaisé de la tech par l’entre-soi masculin du capital-risque, la façon dont le consentement de chacun est sans cesse forcé par les géants du Net pour tirer profit de nos données…

Sur certains forums, on peut encore lire « Règle 30 : il n’y a pas de filles sur Internet » …

Alain de Fooz
Editeur responsable Soluxions Magazine
www.soluxions-magazine.com