Le Bergerac était délicieux, tout comme le Chablis et le Jurançon qui ont accompagné les fromages de la souris, qui partage sa passion avec le même bonheur que ses deux hommes un étage plus haut. Joëlle, c’est fantastique, peut vous raconter l'histoire et la petite histoire, jusqu'au prénom de l'affineuse du Herve. Ou conter la fabrication du Roquefort de Delphine Carles, un haut de gamme produit avec du lait cru du jour, et un penicilium roqueforti (le champignon qui donne le bleu du fromage) fabriqué sur un pain de seigle provenant du village…

Joëlle s’occupe donc du fromage et des salaisons, quand Thomas et Philippe tiennent le bar, à l’étage. Une histoire d’amis, d’épicuriens bien décidés de se faire plaisir et de donner du sens à leur départ à la retraite. Tout a démarré à l’issue d’un déplacement à Paris, une soirée dans un bar à vins du canal Saint-Martin, « La vache est dans la vigne ».

Du frometon, du vrai, qui raconte son histoire

L'adresse - dans mon village, Genappe, rue de Ways en face de l'église - laisse découvrir une boutique qui ne fait pas d’esbrouffe, un peu étouffée par l’agence immobilière juste en face. Vitrine grise, une couleur sobre qui s’efface à l’intérieur devant l’exubérance des fromages, ces camaïeux de bruns, beiges, orange, jaunes, blancs qui vont de la croûte au cœur de la pâte. On a l’impression, un peu déroutante, de pénétrer dans une encyclopédie du vivant qui vous chavire les papilles : du frometon, du vrai, qui raconte son histoire, en passant par le cul des vaches et les cuves de caillé.

Il faut emprunter l’escalier pour se diriger vers le bar (ouvert les jeudi, vendredi et samedi, de 19:00 à 23:00). Pas de carte stéréotypée, façonnée par des négociants. « Non, ce sont nos coups de cœur, tiennent à préciser les garçons. On se fait plaisir. On est plus Rhône que Bordeaux. Et on est sans doute le seul bar à vin à avoir deux Rasteau… parce qu’on les a trouvés exceptionnels. » A prendre ou à laisser.

Fromage et “disert”

A la carte, l’autre fois, un Pont-L’Evêque flambé au calvados, crumble aux amendes, romarin et miel. Une tuerie ! Là, on entre dans la saison des Mont d’Or au four. Français ou suisse, au choix. D’un côté ou de l’autre de la frontière, le rite est le même : découper la croûte en cercle et l'enlever délicatement pour accéder à la pâte crémeuse, qui se déguste à la petite cuillère -c'est son côté caviar laitier.

Historiquement, tout a commencé avec la crèmerie, à ce moment charnière où l’on s’est rendu compte de la mainmise des pangolins sur nos fragiles existences. Le bar à vin a suivi, ouvrant, fermant, ouvrant… au rythme des mesures de nos experts hypermédiatisés. Bref, des débuts difficiles. Aujourd’hui, ça tourne rond, avec une clientèle régionale d’amateurs éclairés. Du vin, du fromage, mais pas seulement. Ainsi, l’assiette des trois saumons fumés de la maison Dawage à Mettet fait recette. Et, bientôt, ce seront les huitres. « Tout est hyper frais. Les découpes de charcuterie ou de fromage se font à l’instant de la commande », insiste Joëlle. Quant au pain, il vient de Bousval, des Douceurs du Ravel. La quête du goût, insistent Thomas et Philippe. « On est dans l’émotionnel, le subjectif. Et on assume ! »

En quittant, j'entendais Minnie, la petite souris de Henri Salvador, le palais encore parfumé de ce putain de Bergerac, trouvant plein d'excuses à ce frère Conti quelque peu difficile.

Adresse
Le Chai et la Souris
Bar à vins et comptoir à fromages