
Au mois de juin dernier, depuis les bancs de l’opposition MR, David Weytsman et Geoffroy Coomans de Brachène avaient interpelé Philippe Close au conseil communal. Initialement annoncé pour un budget de 15 à 20 millions d’euros, ce projet aura finalement coûté près de 90 millions, soit 4,5 fois l’estimation de départ, presque exclusivement payé par l’argent public, soit les impôts perçus sur le dos des contribuables. Réponse du bourgmestre, qui dit assumer complètement ce montant astronomique : « On doit défendre notre patrimoine et je sais que nous avons un désaccord là-dessus avec MR (…) Oui on a mis beaucoup d’argent. Vous trouvez que c’est une gabegie, je suis convaincu que les Bruxellois trouveront qu’on a eu raison. C’est un bâtiment qui n’était pas visité, qui était fermé au public. On n’a pas beaucoup de bâtiments symboles comme celui-ci ». Une réponse de normand pour un dérapage financier inédit !
Un budget indécent
« Certes, ce bâtiment est splendide, personne ne le contestera, il a d’ailleurs été classé en 1986, ce qui n’aura pas empêché son propriétaire, la Ville de Bruxelles, de demander des démolitions partielles de l’édifice, et qui pourraient conduire à l’annulation du permis d’urbanisme, et donc à l’illégalité du projet », nous explique Geoffroy Coomans de Brachène. Mais ce n’est pas cela le pire. « Annoncé entre 15 et 20 millions d’euros en 2011, la facture avait déjà grimpé à 30 millions fin 2018, alors que les travaux n’avaient pas encore débuté. Et fin 2020, on nous présentait un projet tout compris à 43 millions d’euros, auquel il fallait ajouter le rachat de l’emphytéose par la Ville de Bruxelles, soit 5 millions € de plus. Et puis, c’est le grand dérapage, sans explications, on annonce 52 millions, puis 57, puis 62, et enfin voici quelques mois un montant de près de 84 millions d’euros, auquel la ville oublie toujours de citer le prix pour le rachat du bâtiment, soit 89 millions ».
Des fonds publics pompés
Et question financement, les pouvoirs publics ont été mis outrageusement à contribution. « On a notamment capté plus de 7 millions d’euros de fonds européens FEDER, prévus pour les zones en difficulté. Puis la Ville a avalé 12 millions d’euros dans l’enveloppe destinée à l’image de Bruxelles, au détriment de dizaines d’autres projets. Et comme cela ne suffisait toujours pas, on a fait contribuer le fond Beliris. Et cerise sur le gâteau, la Ville a mis la main sur plus de 13 millions d’euros du fond Résilience post-COVID destiné aux entreprises et commerçants bruxellois, pour les aider à sortir la tête de l’eau. Ben oui, là où il n’y pas de gêne, y pas de plaisir », tacle Geoffroy Coomans de Brachène.
Du personnel payé à ne rien faire
Et de poursuivre : « malgré cette débauche d’argent public, le projet va prendre énormément de retard puisque la fin annoncée des travaux a été reportée plusieurs fois. Dernier épisode en date, l’inauguration était prévue début juillet pour déjà accueillir les touristes durant l’été. Mais vu les nouveaux retards accumulés, la Ville a encore allongé in extremis 300.000 euros pour payer la petite vingtaine de personnes engagées… dans un musée toujours fermé ! »
Une rentabilité lointaine
Quant à l’accès au musée, il ne sera pas gratuit : comptez 17,00 euros tout de même ! Mais, ne nous crispons pas. C’est pour la bonne cause culturelle ! Ce que n’avait pas manqué de souligner Philippe Close lors de la signature du projet brassicole, en citant Frank Zappa : « Un pays n'existe pas s'il ne possède pas sa bière et une compagnie aérienne. Éventuellement, il est bien qu'il possède également une équipe de football et l'arme nucléaire, mais ce qui compte surtout c'est la bière » (sic !)
Et Geoffroy Coomans de Brachène de rétorquer : « Dans une ville où les besoins en termes de sécurité, de propreté, de mobilité, d’emplois, de logements ou encore de précarité sociale sont immenses, dépenser de telles sommes au détriment de ces problèmes me semble indécent ! J’espère néanmoins que vous apprécierez le projet de Belgian Beer world. Mais pour ma part, c’est un peu de travers que j’avalerai cette bière ».
Soulignons aussi qu’avec 400.000 visiteurs escomptés par an, à 17,00 euros/l’entrée, il faudra une petite quinzaine d’année pour que le Belgian Beer World commence à devenir rentable. Mais, il est vrai qu’à la gauche de l’échiquier, la rentabilité des projets, quand ils terminent (re sic !), n’est à l’évidence pas une priorité politique.