Un écran de fumée

Fin août 2018, Alexander De Croo était le premier à effectuer une transaction sur Bit4You. Le contexte est alors difficile, le Bitcoin ayant perdu 80% de sa valeur en huit mois. Et pourtant, Bit4You jouait la carte du « local » pour convaincre un maximum de Belges et d’Européens de faire confiance aux cryptomonnaies et à la blockchain. « Aujourd’hui, la crypto est quelque chose d’extrêmement sûr. Il y a des moyens de placement qui peuvent être très volatiles, mais il y a aussi des assets qui sont stables comme le tether, qui permet de mettre de l’argent en dollars quelque part dans la blockchain », déclarait à l’époque Marc Toledo, l’un des fondateurs et CFP de la plateforme, dans les pages du Soir. Petite précision de taille : depuis le mois de mars 2023, le Tether, souvent controversé, est au cœur d’une nouvelle polémique. Selon le Wall Street Journal, l'émetteur de la monnaie numérique aurait ouvert des comptes bancaires en utilisant de faux documents.

Une incitation à la prise de risque

En janvier 2021, J.P. Morgan se positionne sur le sujet par voie de presse et affiche un objectif théorique : « la concurrence du Bitcoin avec l'or a déjà commencé à nos yeux. Le bitcoin pourrait sur le long terme atteindre une valeur de 146.000 dollars (119.000 euros) en faisant l'hypothèse que la capitalisation de la reine des cryptomonnaie rattrape le montant investi par les investisseurs institutionnels privés en or. Le mouvement favorable pour le bitcoin pourrait même être amplifié par l'arrivée des jeunes générations chez les investisseurs, plus sensibles à l'or numérique qu'aux traditionnels lingots ». Se référant à la position de J.P. Morgan , voici la traduction faite par Bit4You dans un article de L’Echo (précisant que Bit4You est responsable de son contenu): « Le bitcoin est en train de remplacer l’or comme valeur refuge. Projection de valeur à court terme selon J.P. Morgan : 146.00 dollars ».

 

« Mais qu’est ce qui incite les jeunes adultes à se lancer dans ce domaine? Sans surprise, ce sont essentiellement les potentiels gains financiers. Mais aussi, le fait que le rendement des placements sûrs est complètement assommé par des taux très bas. Ce qui est également intéressant à constater c’est que le niveau de revenu des investisseurs n'est pas un critère significatif dans la ventilation des résultats. L’engouement traverse toutes les classes sociales. Ne laissez pas sommeiller vos économies », était également l’un des effets d’annonce de Bit4You en support de ses nombreuses campagnes de notoriétés réalisées sur les canaux digitaux. Une incitation d’un public jeune à la prise de risque qui, à tout le moins, questionne en termes de money management.

Une autorisation seulement provisoire

« Nous travaillons continuellement à respecter toutes les réglementations existantes (…) Nous sommes convaincus que la création d'un environnement de confiance sûr pour nos clients est la clé de voûte pour l'avenir de notre entreprise », déclarait cette fois Marc Toledo dans les pages de La Libre, en juin 2021. « Autres éléments rassurants pour les internautes : bit4you opère en toute transparence depuis Bruxelles (…) Nous nous tenons régulièrement informés de l’évolution de la législation applicable en matière de monnaies virtuelles ».

Tel ne semble pas être tout-à-fait le cas puisque, début mai 2023, la FSMA déclare par voie de communiqué avoir notifié son intention de refuser la demande d’inscription de Bit4You et avoir constaté des irrégularités avant que la bourse crypto ne suspende ses services. Le régulateur belge a donc transmis le dossier relatif à la débâcle de Bit4You au parquet de Bruxelles. Le Tribunal de 1ère instance a également nommé deux administrateurs provisoires : l'avocat Nicolas Ouchinsky et le réviseur d'entreprise Dirk Smets pour examiner les options de sauvetage. 

« Le rôle de la FSMA est également discutable », estime maître Mickael Modrikammen, l’avocat qui prépare une action collective au nom des déposants lésés par la déroute de Bit4You. « Bit4you ne disposait que d'une autorisation provisoire » de la FSMA pour offrir ses services. On peut se demander pourquoi cette autorisation est restée si longtemps en vigueur ».

Aucune entreprise crypto belge n’a, à ce jour, encore obtenu d’autorisation définitive - seulement des autorisations provisoires - dans le cadre du système de licences lancé au printemps 2022 dernier. « Des règles plus globales, et notamment prudentielles, concernant l’activité en crypto-monnaies seront introduites par le règlement européen MiCA qui devrait entrer en vigueur à partir de début 2025 », précise, pour s’en défendre, la FSMA.

FSMA - Autorisation provisoire